Comité Ingrid Betancourt 41
A LIRE


31/10/08
COLOMBIE • Comment ils ont "légalisé" mon frère ( Suite )
Des hommes des unités antiguérilla tuent des civils et les font passer pour des insurgés afin d'obtenir une prime ou une permission en récompense. Le récit cauchemardesque d'un soldat.


Un Dromadaire sur l'épaule ( Suite )
Mélanie Croubalian, Cyril Dépraz

  • Du lundi 7 au vendredi 10 octobre 2008 de 14h00 à 15h00
  • le dimanche à 2h00, de l'émission du vendredi précédent

20 septembre 2008
Bilan noir des droits humains en Colombie ( Suite )
Le président colombien Alvaro Uribe s'en prend à la Cour suprême. Stéphane Bussard
COLOMBIE : AU-DELÀ DU "CAS" INGRID BETANCOURT...
vendredi 18 juillet 2008, par Laure Dupau ( Suite )
Le 2 juillet dernier, vers 21h15, était annoncée sur toutes les chaînes de télévision françaises la libération de l’ancienne candidate à la présidence colombienne Ingrid Betancourt. Le même jour, Valdiris Padron, une colombienne de 32 ans, engagée dans le mouvement de défense des personnes déplacées en Colombie, était abattue en pleine rue. Si Ingrid Betancourt, dont la captivité et la libération ont été largement médiatisées, est en passe de devenir une icône dans notre imaginaire collectif, Valdiris Padron, quant à elle, reste une parfaite inconnue pour nous. Pourtant, le 2 juillet, son nom est venu s’ajouter à la longue liste des militants pour les droits humains assassinés en Colombie. Elle est la troisième victime de ce type de violence depuis le début de l’année 2008. Derrière l’image souriante de l’ex-otage franco-colombienne se cache une réalité peu relayée, celle-là, par les médias. Combien de femmes en Colombie, en ce moment même, sont déplacées, enlevées, violées, torturées, prises au piège entre les tirs croisés des guérilleros, de l’armée colombienne régulière et des milices paramilitaires ? ...

11 juillet 2008
Sa foi, la politique, la jungle: Ingrid Betancourt raconte ( Suite )
L'ex-otage raconte ses six années de captivité à «Libération».

10 juillet 2008
L'éditorial de Claude Imbert - Claude Imbert - Un peu de soleil dans l'eau froide ! ( Suite )
( Suite )
10 juillet 2008
Ivan Cepeda Castro, avocat, est l’un des principaux opposants à Alvaro Uribe.
Colombie : « Le régime d’Uribe est complice de milliers de crimes »
receuilli et traduit par Marie C. Novoa
Alvaro Uribe, fils du chaos colombien François Hauter 27/06/2008 ( Suite )
19/06/2008 Publication du Rapport annuel 2007 ( Suite )
L’Obstination du témoignage
Version | English
13/06/2008 La Colombie sur le chemin de la paix ( Suite )
Assassinats, scandales politiques mercredi 28/05/2008
Conflit colombien : la cruelle responsabilité des paramilitaires ( Suite )
Déclarations du président Uribe et du ministre de la Défense
Colombie: Ingrid Betancourt bientôt libre alors qu'est annoncée la mort du nº1 des FARC? dimanche 25 mai 2008 ( Suite )

Amérique latine et campagne présidentielle aux Etats-Unis
Obama et Venezuela: examen des liens Chavez-FARC avant un dialogue
Avec Cuba, toujours l'embargo, mais les voyages seraient facilités WASHINGTON, samedi 24 mai 2008 Suite


Suite

Colombie : le sourire d'Emmanuel et de Clara Rojas, sa mère
ex-otage des FARC

BOGOTA, 10 mai 2008 (LatinReporters.com) - Les premières photos à visage découvert du petit Emmanuel, avec sa mère Clara Rojas, ex-otage de la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), sont publiées dans le numéro daté du 7 au 20 mai 2008 de la revue colombienne Jet-set.

Ingrid Betancourt, derniers jours d’une femme en liberté
Parution le 7 mai 2008

Betancourt A la veilledu rapt

En 2002, Alain Keler a suivi les derniers jours de la campagne présidentielle en Colombie. Photos exclusives.

S.Etr. photos ALAIN KELER QUOTIDIEN : lundi 5 mai 2008
( Suite )

La "parapolitique" met le pays au bord d'une crise institutionnelle
Colombie - paramilitaires : cousin du président Uribe arrêté; ex-sénateur, il présida le Parlement
BOGOTA, mercredi 23 avril 2008
( Suite )


30 mars 08

Colombie/massacres: militaires accusés
Quinze militaires colombiens sont accusés par la justice d'avoir participé en 2005 à un massacre de civils, attribué à l'époque à la guérilla marxiste des Farc, ont annoncé aujourd'hui les autorités.
Onze paysans avaient été abattus dans la région de San José de Apartado (nord-ouest), où un groupe de villageois avait fondé il y a dix ans une "communauté de paix".
Jusquà la dernière pierre
La Revue ARCHES No. 8

L’amour, la guerre, la jungle - www.la-bas.org

San José de Apartadó - La paix massacrée

Detrás de los medios - San José de Apartadó / 1de3 - 2de3 - 3de3


13 mars 2008

Ingrid Betancourt, vivante ou morte Partie 1 Partie 2
par Jacques Lanctôt


lundi 10 mars 2008

Colombie, derrière le rideau de fumée, histoire du terrorisme d'Etat
Maurice Lemoine, rédacteur en chef du Monde diplomatique, présente le dernier livre d'Hernando Calvo Ospina : "Colombie. Derrière le rideau de fumée. Histoire du Terrorisme d'Etat" en présence de l'auteur.
A l'invitation du Monde diplomatique, de la Coordination populaire colombienne et de France Cuba-Paris : Le jeudi 13 mars à 19 heures CMCAS : 19, rue de Provence, Paris 9è M° Richelieu-Drouot ou Le Peletier


FICIB 06/03/08

Ce que raconte le geôlier d’Ingrid Betancourt L’hebdomadaire Semana a recueilli les déclarations, quelques jours après sa capture, de “Martin Sombra”, le commandant des FARC qui a longtemps eu la responsabilité de garder les principaux otages politiques.


La valise diplomatique
lundi 3 mars 2008
Politique du pire à Bogotá ( Suite )
par Maurice Lemoine


FICIB 28/02/08

Ces Français qui soutiennent Ingrid Bétancourt
Propos recueillis par Alice Pouyat et Marie Simon.
Depuis l’enlèvement d’Ingrid Bétancourt il y a six ans, les comités de soutien se sont multipliés. Des grandes villes aux campagnes françaises, à des milliers de kilomètres de la Colombie, des militants se mobilisent pour "Ingrid" et les otages des Farc. Quatre d'entre eux nous racontent pourquoi ils ont rejoint ce combat..


20 février 2008

Une biographie d'Ingrid Betancourt publiée cette semaine
A l'occasion du sixième anniversaire de la capture d'Ingrid Betancourt, le samedi 23 février prochain, les éditions Fayard publient une biographie signée par Sergio Coronado, tête dirigeante du parti des Verts français.
En vente à 25.000 tirages à partir du mercredi 20 février, Ingrid s'inscrit dans un mouvement littéraire lié à ce sixième anniversaire du rapt de la candidate à la présidence colombienne.
Le 31 janvier dernier, une première biographie avait été publiée par le journaliste Eric Raynaud, Ingrid Bétancourt, femme courage publiée chez Alphée-Jean-Paul-Bertrand.
Un troisième ouvrage devrait paraître le 21 avril chez Latitude, collection "Regard latino", intitulé Ingrid Betancourt, par-delà les apparences.
Un livre audio enrichi de six album cd, La rage au coeur, sera édité le samedi 23 février chez Livrior et composé de textes autobiographiques d'Ingrid Betancourt lus par la comédienne Valérie Charpinet.


14/02/08

Seules la France et la Suisse sont encore acceptées comme médiatrices à la fois par Bogota et par la guérilla
Colombie / otages : les FARC rejettent la médiation de l'Espagne et de l'Eglise
BOGOTA, jeudi 14 février 2008 (LatinReporters.com) ( Suite )


11 février 2008

Colombie - Quelques vérités sur Alvaro Uribe, par Nicolas Joxe. ( Suite )
........
Nicolas Joxe, réalisateur, est l’auteur du documentaire "Ils ont tué un homme. Crimes paramilitaires en Colombie". (Diffusion Arte 2005.).
http://www.legrandsoir.info/spip.ph...


FICIB 10/02/08

La vraie racine de la crise colombienne
Par Ernesto Montenegro et Carolina Cano, chercheurs en sciences sociales.
Pourquoi Alvaro Uribe veut polariser le débat autour des FARC ?
La question politique semble tourner autour des FARC, comme si une fois disparues, tous les problèmes du pays pouvaient s’évaporer. Le gouvernement fait tout pour polariser la situation et présenter organisations des droits de l’homme, organisations sociales et syndicales et opposants politiques comme proches des FARC. Des accusations graves, qui ne sont pas sans rappeler l’expérience de l’Union patriotique (UP), parti de gauche constitué légalement qui a subi l’assassinat de plus de 3 000 de ses militants...


FICIB 09/02/08
écouter l'émission (streaming - 40 min)

Rendez-vous avec X.
Les paramilitaires colombiens
par Patrick Pesnot le samedi de 13h19 à 14h01

On l’a sans doute un peu trop oublié ces dernières semaines : les FARC, qui détiennent des centaines d’otages, ne sont pas le seul mouvement armé qui sévit en Colombie. Dans son émission de ce samedi sur France Inter, Patrick Pesnot évoque tous ceux que l’on classe sous le nom de «paramilitaires»… Des milices armées qui, en toute impunité, ont terrorisé le pays sous le prétexte de lutter contre les guérillas d’extrême gauche. Alliées du pouvoir et même complices de ce pouvoir, elles ont peu à peu pris en main une grande partie du narcotrafic. Et bien souvent, leurs confrontations armées avec les guérilleros des FARC ont d’abord eu pour objectif la conquête de nouveaux territoires dévolus à la culture des cocaïers.
Ecoutez également l'émission de Patrick Pesnot du 29 décembre dernier, consacrée aux Farc


03/02/08

Mobilisation nationale et internationale contre la guérilla - Appel du pape
Colombie : sous pression, les FARC vont libérer trois otages de plus "en reconnaissance" à Chavez

BOGOTA, dimanche 3 février 2008 (LatinReporters.com) ( Suite )


FICIB 31/01/08

Les otages de Colombie en sursis ( Suite )
par Paulo A. Paranagua 30.01.08


FICIB 25/01/08

ECLAIRAGES
Le mal colombien
Etienne Dubuis Vendredi 25 janvier 2008
( Suite )


FICIB 24/01/08

La tentative d'évasion d'Ingrid Betancourt ( Suite )
John Frank Pinchao El Tiempo 24 janvier 2008

Le livre Mon évasion vers la liberté de John Frank Pinchao, le policier prisonnier des FARC qui s'était évadé en avril dernier, doit sortir la semaine prochaine en Colombie. Dans l'un des chapitres, publié en avant-première par El Tiempo, l'ancien otage raconte l'une des tentatives d'évasion d'Ingrid Betancourt. Le Courrier International en publie un extrait.


22/01/08

Venezuela | Colombie
Hugo Chávez et les otages colombiens
par Salim Lamrani 22 janvier 2008
( Suite )


21/01/08

Coordination Populaire Colombienne à Paris
Communiqué de la CPCP
( Suite )


21/01/08

LETTRE OUVERTE AUX COMBATTANTS DES FARC
Appel à la libération d’Ingrid Betancourt

Par Amadou lamine Sall - lundi 21 janvier 2008 ( Suite )


FICIB 18/01/08

Rencontre avec les FARC par Paco Gómez Nadal ( La Prensa - Panama )
Un journaliste a pu se rendre en juillet dernier dans un campement des guérilleros installé dans l'épaisse forêt du Darién, près de la frontière entre la Colombie et le Panamá.
COLOMBIE • Repères Courrier International - Dans la jungle des FARC Canoë


15/01/07

4 millions de déplacé en colombie !....... par François Houtart
N’oublions pas les quatre millions de personnes déplacées en Colombie Alors que l’opinion internationale se préoccupe, à raison, de la libération d´Ingrid Betancourt, ancienne candidate à la présidence de la République colombienne et se réjouit, à raison également, de la libération, jeudi, de Clara Rojas et Consuelo Gonzales de Perdomo, peu d´attention a été accordée au phénomène massif des personnes déplacées dans ce pays. François Houtart, est prêtre et sociologue, professeur émérite de l’Université de Louvain-la-Neuve, et cofondateur du Forum Social Mondial.
........
Alors, libérer Ingrid Betancourt, oui et tout de suite. Mais la communauté internationale pourrait aussi se préoccuper des millions d´autres Colombiens qui n´ont pas de nom.


FICIB 14/01/07

Quelques vérités sur Alvaro Uribe par Nicolas Joxe - Difficile de ne pas réagir à l'article de Jacques Thomet "La vérité sur les FARC sort enfin" (Le Monde, 9 janvier). Pour qui connaît un tant soit peu la situation colombienne, sa lecture ne peut que provoquer stupeur et colère. Dressant un portrait particulièrement élogieux d'un président colombien qui aurait tout tenté pour libérer les otages aux mains des FARC, l'auteur y lance des accusations contre la famille d'Ingrid Betancourt.


11/01/08

Colombie - otages : Clara et Consuelo libérées. Pour Ingrid Betancourt, faudra-t-il démilitariser ?
BOGOTA / CARACAS, vendredi 11 janvier 2008 (LatinReporters.com) ( Suite )

FICIB 09/01/08

Les énigmes de la libération avortée des otages colombiens
Stéphane Bussard Mercredi 9 janvier 2008
COLOMBIE. L'échec révélerait une désorganisation des rebelles des FARC. Le Temps W Radio


FICIB 05/01/08

Colombie : révélations sur la libération d'Emmanuel
Serge Raffy - le samedi 5 janvier 2008 ( Suite )
Pourquoi les FARC ont menti ? Qu’est-il vraiment arrivé à Emmanuel ? Comment, fin décembre, les FARC ont paniqué pour tenter de le récupérer ? Dans le Nouvel Observateur, Serge Raffy propose sa version des événements.


FICIB 27/12/07

Comprendre la stratégie des FARC
Ariel Fernando Avila Martinez Semana 27 déc. 2007
( Suite )


FICIB 25/12/07

« Le gouvernement d’Uribe n’offre pas de perspective de paix »
Entretien avec Juan Carlos Tanus, coordinateur de l’Association des Colombiens au Venezuela.

FICIB 24/12/07Emmanuel, l'enfant de la guerre colombienne Clara Rojas, l'assistante d'Ingrid Betancourt, son fils Emmanuel et une troisième otage doivent être libérés prochainement par la guérilla. La Tribune de Genève dresse le portrait d'un enfant dont on ne sait presque rien,mais dont le sort émeut tout un pays.
FICIB 16/12/07
Libérez Ingrid... mais n'oubliez pas les quatre millions de déplacés !
L'opinion mondiale est préoccupée, avec raison, par la libération d'Ingrid Betancourt, mais elle n'accorde que très peu d'attention au phénomène massif des déplacements forcés en Colombie. Et pourtant, après le Soudan (au Darfur) et la Somalie, la Colombie est le pays le plus touché par cette peste, qualifiée par les Nations Unies de crime contre l'humanité.
FICIB 14/12/07
Ingrid Betancourt : les coulisses d’une négociation La cellule diplomatique de l’Elysée s’active pour obtenir la libération de l’otage des Farc. Le Président développe une «omnistratégie» pour associer les intérêts français, colombiens et américains.

Ingrid Betancourt : une grande leçon
François Régis Hutin . samedi 08 décembre 2007 ( Suite )


07/12/07

Editorial par Maurice Ulrich
Cette lueur qui grandit ( Suite )

Les otages des FARC sont enchaînés nuit et jour
par Le candide . Publié le 03/12/2007 ( Suite )

Le message caché d’Ingrid Betancourt
par Le candide . Publié le 03/12/2007 ( Suite )


FICIB 03/12/07

Epreuve de vie
par Lilian M . lundi 3 décembre 2007 ( Suite )

Comment Uribe a torpillé la médiation Chavez
Bogotá PASCALE MARINI et ROMÉO LANGLOIS. Publié le 30/11/2007 ( Suite )


24/11/07
FICIB 28/11/07


L'alternative belge pour Ingrid

Il y a en Europe une mobilisation de citoyens, français en majorité, qui se sont solidarisés avec le drame des kidnappés colombiens, mais qui ne connaissent pas personnellement les víctimes, pas plus que le pays qui sert de scène à un conflit qu'ils ne comprennent pas bien, mais qu'ils soutiennent de loin.


FICIB 25/11/07

Egoïsmes partagés
Aucun des mandataires ne recherche l'échange pour des raisons humanitaires. Les Farc moins que quiconque, eux qui sont les responsables uniques de ce crime… Ce que dit le Président Uribe est exact : « Ce que veulent les Farc, c'est un combat politique, pas la libération des séquestrés ».
Mais ce qu'oublie le Chef de l'État, c'est qu'il n'y a pas que la guérilla - responsable des kidnappings - qui veut retirer un maximum de bénéfices d'une libération éventuelle. C'est également ce que recherchent Chávez, Sarkozy et bien sur également lui-même...

Daniel Coronell dans Semana

Otages des Farc : Hugo Chavez, l'homme de la dernière chance
Bogotá PASCALE MARINI et ROMÉO LANGLOIS. Publié le 11 octobre 2007 ( Suite )

Personnes déplacées en Colombie ( Suite )
Yves Heller Coordonnateur communication du CICR en Colombie.
24-9-2007

Colombie : la vraie histoire des négociations ( Suite )
lundi 17 septembre 2007, par Numancia Martínez Poggi

Entretien avec Rodrigo Granda, FARC-EP 6 septembre 2007FICIB 9/09/07
Guérilla en Colombie : la fin et les moyens

Fernand Meunier
mardi 28 août 2007

n°111 (11/07/2007), p. 8-10.Auteurs: Maurice LEMOINE
Agathe DESCAMPS - le 16/08/2007 - 12h25
Ingrid Betancourt racontée par les deux hommes de sa vie
2.000 jours sans Ingrid Betancourt : la France tance enfin les FARC


31/10/08
COLOMBIE • Comment ils ont "légalisé" mon frère
Des hommes des unités antiguérilla tuent des civils et les font passer pour des insurgés afin d'obtenir une prime ou une permission en récompense. Le récit cauchemardesque d'un soldat


AFP

Cela s'est passé le 30 avril dernier. J'étais soldat au sein du bataillon d'infanterie antiguérilla n° 31 en opération dans le département de Córdoba [Nord-Ouest]. Ma compagnie était désœuvrée depuis plus de quinze jours, stationnée dans un petit village appelé San Juan. Ni mission, ni patrouille. On était là, nous, les soldats, à se tourner les pouces. Mais la fête des mères approchait, et les officiers ont commencé à s'inquiéter, parce que nous n'avions aucun résultat à montrer, aucun succès militaire qui nous permette d'obtenir des jours de congés pour aller voir nos familles. C'est alors que nous avons commencé à parler de "légaliser" quelqu'un : en d'autres termes, de tuer quelqu'un qu'on ferait passer pour un guérillero pour gagner nos permissions.
Un soir, mon caporal, Jonathan Pineda, est venu me voir : "Guajiro [habitant du département de La Guajira, à l'extrême nord de la Colombie], va donc au campement, on a trouvé le mec qu'on va descendre." En sortant, j'ai allumé une cigarette, et j'ai entendu l'homme m'en demander une. Je ne pouvais pas voir ses traits, il n'y avait pas de lumière, même pas de lune. Il pleuviotait. Je lui ai donné une cigarette et nous avons commencé à parler. Et je me suis finalement rendu compte qu'il s'agissait en fait d'un de mes frères aînés…

Leonardo avait quitté notre famille et était parti de Maicao [ville de La Guajira] quand je n'avais que 9 ans. C'est pour cela que je ne l'ai pas reconnu. Mais lorsqu'il a cité le nom de mon père, j'ai été sûr qu'il était bien de ma famille. C'était mon frère. Et c'était lui qu'ils avaient choisi au hasard pour le tuer. Je n'arrivais pas à y croire. Nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre mais, malgré l'émotion, je l'ai averti qu'ils allaient le tuer et le faire passer pour un guérillero. Mais il ne m'a pas cru. Il était devenu très ami avec deux soldats de ma compagnie et était convaincu qu'ils ne lui feraient rien.
Je suis immédiatement allé voir le caporal Pineda et je lui ai dit : "Vous ne pouvez pas tuer cet homme, c'est mon frère." Le caporal ne m'a pas cru. Tout ce qu'il a fait, c'est m'insulter. A partir de là, ça a été toute une embrouille. Au bout d'un moment, le capitaine m'a dit : "Moi, ça ne me pose aucun problème de descendre ce fils de pute." De toute façon, ce n'était pas difficile de trouver quelqu'un pour le faire : chaque compagnie a deux ou trois hommes de main qui se chargent de ces besognes et empochent leur million de pesos. J'ai profité d'un moment d'inattention pour dire à mon frère de s'enfuir illico. Nous avons réussi à nous éloigner un peu du campement, à trouver un moto-taxi, et il est parti vers le village.
Le lendemain, j'ai compris que tout avait changé pour moi. Les autres me détestaient. J'ai donc demandé à un colonel d'être transféré, parce que je ne pouvais plus patrouiller avec ces hommes. J'ai été envoyé dans une autre compagnie, à Puerto Libertador, un village voisin de San Juan. Là-bas, je me sentais plus en sécurité. Au moins je n'avais pas peur de me faire tuer. Trois jours après être arrivé, j'ai entendu dire que mon ancienne compagnie avait "fait un mort". Ayant peur pour mon frère, j'ai demandé à un soldat s'il savait qui était le mort. Il n'en savait rien, mais m'a dit qu'une voiture était partie le chercher pour le conduire au cimetière.
Je suis immédiatement allé chez une tante à moi, qui vit à Puerto Libertador, et je lui ai tout raconté. Je lui ai demandé de m'accompagner au cimetière. En chemin, nous avons vu passer la voiture, mais nous n'avons pas pu voir le visage du cadavre. A notre arrivée, le mort était déjà par terre, enroulé dans du plastique blanc. Je me suis jeté sur lui, j'ai déchiré le plastique et je me suis rendu compte que c'était bien mon frère. Le trou était prêt, deux soldats l'ont pris par les pieds et les mains et l'ont jeté tel quel, sans cercueil ni rien. Ils l'ont prétendument trouvé avec une grenade et une arme dans les mains. Mais au village, un témoin dit avoir vendu ce pistolet à l'armée. Depuis que j'ai décidé de porter plainte contre l'Etat colombien, le ciel m'est tombé sur la tête. Je suis en état d'alerte permanent, j'ai peur qu'il m'arrive quelque chose. J'ai peur de manger ce que me donne l'armée. Je ne peux pas aller sur les zones de combat, puisque je bénéficie de mesures spéciales de protection. En plus, beaucoup me haïssent parce qu'ils sont au courant de l'histoire et de ma plainte. La justice enquête sur les sept militaires impliqués.

Semana ______________


20 septembre 2008
Bilan noir des droits humains en Colombie
Le président colombien Alvaro Uribe s'en prend à la Cour suprême. Stéphane Bussard

La libération de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt et le débat qui s'ensuivit sur le médiateur suisse Jean-Pierre Gontard ont longtemps fait les titres des médias. Mais ils ont laissé dans l'ombre un préoccupant bilan des droits de l'homme en Colombie. C'est le constat que dressent plusieurs organisations non gouvernementales, dont la Commission colombienne de juristes, dans un document qu'elles ont remis il y a peu au Haut-Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme. Raison? En décembre, la Colombie passe sous les fourches caudines de l'Examen périodique universel, une évaluation par les pairs de son bilan des droits humains.

Entre juillet 2002 et décembre 2007, au moins 13634 personnes (dont 1314 femmes et 719 enfants) ont été tuées (ou ont disparu) non pas dans des combats, mais en raison de violences sociopolitiques. Quand les auteurs présumés de ces violations des droits de l'homme sont connus, 75,4% des cas relèvent de la responsabilité de l'Etat colombien et 24,6% des guérillas. Au cours des cinq dernières années, le nombre d'exécutions extrajudiciaires attribuées directement aux forces de sécurité étatiques a augmenté de 67%. Le document des ONG ajoute que la population bisexuelle et transsexuelle a subi des traitements dégradants. Depuis 2006, 16 transsexuelles ont été assassinées. Selon les données fournies par la Fondation colombienne Pais Libre, 8451personnes ont été kidnappées entre janvier 2002 et décembre 2007.

Paramilitaires toujours actifs
Le phénomène des paramilitaires interpelle les ONG et la Commission colombienne de juristes. L'Institut pour l'étude du développement et de la paix évalue, sur la base des données fournies par la police nationale, qu'il existe toujours près de 9000 paramilitaires répartis dans 76 groupes différents qui continuent de sévir dans 25 des 32 départements du pays. On semble loin de la démobilisation de 30000 paramilitaires promue par le président Alvaro Uribe. Et parmi ces 30000 censés être démobilisés, 90% ont bénéficié de facto d'amnistie en vertu d'un décret de 2003. Les activistes des droits de l'homme fustigent ce constat et estiment que l'impunité est la règle. En mai 2008, 15 paramilitaires ont été extradés vers les Etats-Unis. Les ONG s'étonnent qu'on privilégie les condamnations pour trafic de drogue au détriment de celles pour crimes contre l'humanité.

Le plus inquiétant, ce sont les liens entre les paramilitaires et les politiques. En juillet 2008, 63 membres du Congrès (soit plus de 25%) étaient sous enquête en raison de leurs liens présumés avec les groupes paramilitaires. La plupart des politiciens sous enquête appartiennent au même parti que le président Uribe. Mario Uribe, cousin du président, fait partie des personnes soupçonnées. D'où les attaques répétées d'Alvaro Uribe contre la Cour suprême colombienne qu'il estime être «tombée dans le piège du terrorisme agonisant». Le 1er août, il a déposé une plainte pénale contre le président d'alors de la Cour suprême pour calomnie. Mais aussi contre un autre magistrat. La séparation des pouvoirs est en danger. Quant aux syndicalistes, depuis janvier 2008, plus de 40 d'entre eux ont été assassinés, soit une augmentation de 41% par rapport à 2007.

COLOMBIE : AU-DELÀ DU "CAS" INGRID BETANCOURT...
vendredi 18 juillet 2008, par Laure Dupau

Le 2 juillet dernier, vers 21h15, était annoncée sur toutes les chaînes de télévision françaises la libération de l’ancienne candidate à la présidence colombienne Ingrid Betancourt. Le même jour, Valdiris Padron, une colombienne de 32 ans, engagée dans le mouvement de défense des personnes déplacées en Colombie, était abattue en pleine rue. Si Ingrid Betancourt, dont la captivité et la libération ont été largement médiatisées, est en passe de devenir une icône dans notre imaginaire collectif, Valdiris Padron, quant à elle, reste une parfaite inconnue pour nous. Pourtant, le 2 juillet, son nom est venu s’ajouter à la longue liste des militants pour les droits humains assassinés en Colombie. Elle est la troisième victime de ce type de violence depuis le début de l’année 2008. Derrière l’image souriante de l’ex-otage franco-colombienne se cache une réalité peu relayée, celle-là, par les médias. Combien de femmes en Colombie, en ce moment même, sont déplacées, enlevées, violées, torturées, prises au piège entre les tirs croisés des guérilleros, de l’armée colombienne régulière et des milices paramilitaires ? ...

UNE VIOLENCE INVISIBLE
La violence exercée contre les femmes en Colombie est d’autant plus forte qu’elle est peu visible et sous-évaluée. Selon La Mesa de Trabajo Mujer y Conflicto Armado, la crainte de représailles, le manque de confiance dans les institutions judiciaires et politiques et la forte impunité dont jouissent les criminels sont autant d’obstacles aux témoignages et dénonciations.
À cela s’ajoute la quasi impossibilité de récolter de manière rigoureuse des données permettant d’évaluer les crimes commis envers les femmes. En effet, dans un pays totalement divisé, où le gouvernement est loin d’avoir la maîtrise de son territoire, on imagine mal comment ce même gouvernement pourrait recenser les victimes du conflit armé.
La Colombie (1 139 000 km²) est en fait un morcellement de zones que se disputent essentiellement trois protagonistes. D’une part, il y a les mouvements révolutionnaires tels que les FARC et l’Armée de libération nationale (ELN). D’autre part, les troupes de paramilitaires, anciennes milices privées, créées pour protéger certaines familles et autres narcotrafiquants contre les guérillas, combattent, elles aussi, pour exercer leur autorité sur les populations des terres qu’ils contrôlent.
Enfin, l’armée colombienne régulière n’hésite pas à s’appuyer sur les paramilitaires dans leur lutte contre les guérillas. Une multitude d’acteurs pour un enjeu principal : la maîtrise des zones de production et de commercialisation de la drogue.

Pour avoir une idée de la situation que vivent les colombiennes au quotidien, il est donc nécessaire de recouper les données dispersées entre les organisations de protection des femmes et des Droits de l’Homme, les organismes privés et les bureaux de l’État colombien.
Voici pourquoi nous vous proposons la traduction d’un extrait du premier rapport rédigé par La Mesa de Trabajo Mujer y Conflicto Armado à l’attention de (la rapporteuse spéciale de l’ONU à propos de la violence contre les femmes) :
"Les assassinats de femmes à cause du conflit armé ont augmenté au cours de l’année 2000. [...] En un an, entre octobre 1999 et septembre 2000, 363 femmes ont perdu la vie pour cause de violence sociopolitique. Parmi elles, 311 sont mortes en dehors des combats (dans la rue, chez elle, sur leur lieu de travail) [Sur ces 311],277 ont été victimes d’exécutions sommaires et meurtres politiques, 27 de disparitions forcées et 7 de meurtres dirigés contre des personnes socialement marginalisées."
Ces chiffres dramatiques datent du début des années 2000. Depuis lors, La Mesa de Trabajo a rédigé cinq nouveaux rapports, dont le dernier a été écrit et publié en décembre 2006.
Les exactions dirigées contre les femmes colombiennes n’ont pas cessé depuis lors.

Selon le sixième rapport de l’organisation :
"Dans la période comprise entre janvier 2002 et juin 2006 au moins 1608 femmes ont perdu la vie à cause de la violence sociopolitique.
Dans le détail : 233 sont mortes dans les combats et 1375 hors des combats. Parmi ces dernières, 1139 sont mortes lors d’exécutions sommaires et homicides politiques, 63 ont été victimes de meurtres dirigés contre des personnes socialement marginalisées et 173 de disparitions forcées."

À ces meurtres s’ajoutent les violences et mutilations sexuelles, qui sont l’une des formes communes de violence subies par les femmes. Dans son ouvrage intitulé Palabras, representaciones y resistencias de mujeres en el contexto del conflicto armado colombiano, l’organisation La Ruta Pacifica décrit la violence sexuelle comme "une arme de guerre, une manière de déshonorer l’ennemi ou comme un trophée à conquérir".

Cependant, les meurtres et les viols ne sont, malheureusement, que la partie visible de l’iceberg. La violence physique est toujours la plus facile à appréhender. Les déplacements forcés, qui ont touché environ trois millions de colombiens, sont source de violences économiques, psychologiques et sociales. La perte de leurs biens et de leurs terres, la difficulté de retrouver du travail dans les centres urbains où elles sont marginalisées marquent une véritable régression économique pour ces femmes qui ne peuvent accéder qu’aux travaux les moins bien rémunérés.
Par ailleurs, l’une des premières causes de déplacement est l’assassinat du chef de famille. À la suite de cette perte, la femme se voit propulsée à la tête de la famille et doit donc assumer, en plus de ses propres besoins, la survie des siens. La reconstruction est d’autant plus difficile que tous les liens sociaux et repères culturels de ces femmes sont détruits lors des déplacements. Paula Andrea Rossiasco, qui a travaillé pour l’agence gouvernementale de Colombie en matière de développement FONADE (Fond Financier de Projets de Développement), a réalisé un rapport très intéressant et bien documenté sur les "Femmes chefs de familles déplacées en Colombie."

Voici un extrait de ce rapport :
"Le Réseau de Solidarité Sociale a fait un effort d’attention au sujet de la situation de ces femmes [les femmes chefs de famille]. A cet égard, le Réseau a enregistré le sexe des chefs de famille dans les registres du Système d’enregistrement des populations Déplacées (SUR) de 2002 et les a rendu accessibles au public. Au 15 décembre 2002, 30 203 foyers ayant une femme à leur tête ont pu être comptabilisés comme déplacés au cours de l’année. Cela représente 35,7% de l’ensemble des familles déplacées au cours de cette période. De toutes les familles déplacées et ayant une femme à leur tête depuis 1995 (c’est-à-dire 84 726 familles), 94,9% ont du fuir leur foyer entre 2000 et 2002, ce qui montre la détérioration dramatique de la situation vécue par les femmes colombiennes ces trois dernières années."
Pourtant, face à cet état de fait plus qu’inquiétant, la mobilisation des autorités nationales et internationales ne semble pas être à la hauteur de cette situation qui revêt tous les aspects d’une crise humanitaire majeure.

DES FEMMES ABANDONNÉES
Depuis quelques jours, le président colombien Alvaro Uribe est présenté dans le monde entier comme le héros qui a tenu tête aux FARC et qui, cerise sur le gâteau, les aurait trompés.
S’agit-il du même Alvaro Uribe, à la tête d’un gouvernement largement compromis avec les milices paramilitaires, elles-mêmes responsables de nombreux massacres dans les régions qu’elles tiennent sous leur joug ?
Vu de France, le diable en Colombie ne semble pas vêtu de rouge mais de vert, à l’image de l’équipement militaire porté par les guérilleros des FARC.
Cependant, dans le sixième rapport de la Mesa de Trabajo Mujer y Conflicto Armado, un chiffre nous interpelle : 63,48% des meurtres de femmes sont attribués à l’État colombien, contre 36,53% attribués aux guérillas.

Pourtant, à travers les média, ce sont bien les FARC qui sont pointés du doigt et désignés comme le fléau numéro un du pays.
L’organisation de défense des femmes et des droits humains détaille ces chiffres : sur les 63,48% des femmes tuées par l’État, 12,52% des meurtres ont été perpétrés directement par des agents de l’État ; les 50,96% restant sont dus à la négligence, à la tolérance ou à l’approbation des violences commises par les groupes paramilitaires.

À l’origine, les milices paramilitaires ont été créées pour protéger les populations des guerilleros et des narcotrafiquants, à une époque où les Colombiens ne comptaient plus sur l’armée nationale pour assurer leur protection. Mais ces groupes d’autodéfense unis de Colombie ont peu à peu joué le même jeu que les guerilleros, se livrant à des exécutions sommaires en pleine rue.
Dans un article du 4 juillet 2003, le principal journal de Colombie, El Tiempo, rapporte que "les groupes paramilitaires ont un effectif d’hommes armés qui représente le double de celui de l’ELN et la moitié de celui des FARC. Ce sont les groupes qui, ces dernières années, ont le plus augmenté. Même avec un effectif moindre que ceux des guérillas, ils ont commis la même quantité d’assassinats civils et ont dépassé le nombre des massacres commis par les guérilleros.
Cependant, l’image du protecteur devenu bourreau est un peu caricaturale : dans certaines zones les colombiens reconnaissent que les AUC ont fait fuir les guérillas et ont apporté une certaine sécurité. Mais à quel prix ?
Dans son rapport du 9 mars 1998, la Haut-Commissaire des Nations Unies cite le Défenseur du peuple : "les groupes paramilitaires sont devenus le bras illégal de la force publique ; ils exécutent pour son compte le sale travail que son caractère d’autorité assujettie à la loi l’empêche de faire"
Cette protection que semble offrir le Président Uribe aux groupes paramilitaires reflète sa politique sécuritaire que dénoncent les organisations de défense des droits de l’Homme.
Fer de lance de cette politique : la loi anti-terroriste votée par le Congrès colombien en 2003. Cette loi prévoit que "les Forces armées pourront détenir des personnes pendant une durée maximale de 36 heures, perquisitionner leur domicile ainsi que vérifier et intercepter des communications sans contrôle judiciaire préalable. Par ailleurs, des renseignements personnels de tous les habitants du pays seront versés dans un fichier auxquels les autorités militaires auront accès, et les Forces armées pourront exercer des fonctions de police judiciaire, y compris procéder à l’établissement des preuves et à l’interrogatoire des suspects."
Joli mélange des pouvoirs...
L’ASFADDES (Association des familles de détenus et de disparus) craint une augmentation du nombre de disparitions forcées dont le nombre était déjà de 6300 en 2003.

La prise en considération de ce problème au niveau international est à l’image du traitement médiatique qu’on lui réserve.
En Novembre 2001, la Colombie a reçu la visite du rapporteur de l’ONU pour les droits de l’homme, Madame Radhika Coomaraswamy.
Après avoir dressé une liste de recommandations- présentée devant la commission des droits de l’Homme de l’ONU- en ce qui concerne la prise en charge et la protection des femmes victimes du conflit armé, l’ONU n’a pas transformé ses paroles en actes. Depuis lors, La Mesa de Trabajo Mujer y Conflicto armado n’a cessé d’interpeller, via des rapports annuels, le bureau onusien en charge de la question des droits de l’homme, et plus particulièrement de la femme, en Colombie. Jusqu’en 2006, date du dernier rapport publié par l’ONG, ces interpellations sont restées lettre morte.

UNE RECONNAISSANCE IMPOSSIBLE ?
La Commission nationale de réconciliation et de réparation, instituée par la loi "Justice et paix" de 2005, représente-t-elle une petite lueur d’espoir pour les Colombiennes ? Cette Commission signale la volonté du gouvernement d’écouter les victimes du conflit et de mettre en place des moyens de réparation, que les familles aient subies la violence des guérilleros ou des paramilitaires.
Le but affiché est vraiment de "faire la paix" avec les groupes paramilitaires pour lesquels l’heure est, en partie, à la démobilisation.
On peut cependant se poser des questions quant à l’efficacité de cette commission dans la mesure où, d’une part, ni les FARC ni l’ELN, n’ont déposé les armes, et où, d’autre part, tous les paramilitaires n’ont pas été démobilisés. Certains d’entre eux ont même été extradés vers les Etats-Unis, au grand désespoir des familles colombiennes qui demandent justice.

Face à un gouvernement plus engagé dans une guerre ouverte avec les FARC que dans la réparation des victimes, des femmes continuent de lutter à leur niveau, avec leurs moyens, mais jamais sans risques.
En effet, le combat de ces femmes au sein des organisations de défense des droits de l’homme s’accompagne d’un lourd tribut à payer. Dans un entretien publié sur RISAL, Leonora Castaño, membre fondateur de l’ANMUCIC (Association nationale des femmes paysannes, noires et indigènes de Colombie), relate :
"Durant les dernières années, on a assassiné 35 de nos dirigeantes, 31 des mains de groupes paramilitaires, deux par l’armée et deux autres par la guérilla du nord de Santander."
Elle-même menacée dans son pays, elle a du s’exiler en Espagne pour ne pas subir le même sort que des centaines de femmes engagées. Comble de l’ironie, le motif principal pour lequel elles sont arrêtées par la police nationale est... la rébellion contre le gouvernement colombien.
Les Colombiennes ne peuvent peut-être compter que sur elles-mêmes pour obtenir la reconnaissance de leurs droits. C’est le pari qu’a fait la Ruta Pacifica qui, depuis 1996, réunit tous les 25 novembre de plus en plus de femmes lors d’une marche symbolique.

En tant qu’êtres humains, nous ne pouvons que nous réjouir de la libération d’Ingrid Betancourt, malgré la dramatisation médiatique de l’événement - version christique - qui en irrite déjà certains. Toutefois, il nous est impossible d’ignorer que pour une Colombienne libérée, des centaines restent prisonnières d’un pays rongé par une guerre civile.

Pour aller plus loin :

- Le rapport de la Haut-commissaire des Nations unies Mary Robinson (lecture vivement conseillée).

- Infos sur la loi anti-terroriste :
http://www.alterinfos.org/spip.php ?article1087
http://www.ifex.org/fr/content/view/full/56811/
Un rapport d’Amnesty

- Article "La « Ruta Pacifica » des femmes colombiennes, un exemple de résistance civile" : RISAL - Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine
URL : http://risal.collectifs.net/
Source : La Jornada (www.jornada.unam.mx/), supplément La Triple Jornada, México, 05-04-04.
Traduction : Hapifil, pour le RISAL (www.risal.collectifs.net).

- Article "Ces femmes victimes du conflit colombien" : RISAL - Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine
URL : http://risal.collectifs.net/
Source : Il Manifesto, 05-03-04.
Traduction et adaptation pour Le Courrier : Fabio Lo Verso.

- Article ’Femmes chefs de famille déplacées en Colombie" : RISAL - Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine
URL : http://risal.collectifs.net/
Source : : Colombia Journal (www.colombiajournal.org), juin 2003.
Traduction : Thierry Thomas, pour le RISAL.

- Merci par ailleurs au site ardechepouringrid.azul-fr.com pour l’illustration de ce sujet.


11 juillet 2008
Sa foi, la politique, la jungle: Ingrid Betancourt raconte
L'ex-otage raconte ses six années de captivité à «Libération».

«Je vous dois tout», ne cesse de répéter aux médias Ingrid Betancourt, l’otage franco-colombienne libérée il y a un peu plus d’une semaine. Elle ne refuse donc aucune interview, malgré, selon ses proches, «un agenda de chef d’Etat, mais sans l’équipe qui va autour». Elle devrait rencontrer ce week-end le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, après un week-end à Lourdes, pour remercier la Vierge Marie. L’ancienne otage a renforcé sa foi durant sa captivité. Une foi intime, personnelle. Certains se moquent – un peu facilement– de ses invocations désormais continuelles de Jésus, la Vierge Marie, Dieu. Ingrid Betancourt explique clairement que ce fut son refuge, son bouclier, sa protection… Qui pourra expliquer, raconter, les refuges que l’on recherche quand on est otage ? Otage pendant plus de six ans. Personne ne sera jamais capable de se mettre à sa place pour se permettre de juger ces supposées «bondieuseries». Ingrid Betancourt a reçu Libération, un peu plus d’une demi-heure, mercredi soir, avec des collègues de la Croix et de RMC. Nous lui avons juste demandé de raconter.

La foi et le pardon
«Je ne pense pas que l’on puisse donner à la violence des réponses violentes. La seule réponse à la violence, c’est une réponse d’amour. Pour moi, en l’occurrence, une réponse chrétienne, parce que c’est ma foi à moi, mais ça pourrait être le bouddhisme ou autre chose. On peut être amené à haïr une personne de toutes les forces de son être, mais on peut trouver le soulagement de cette haine par l’amour.
«On ne peut pas aimer quelqu’un qui vous a fait du mal mais, par contre, je trouvais dans le Christ une façon de me créer une sorte de tremplin. Ainsi, je me disais d’Untel : "Je le déteste mais pour toi, Jésus, je ne vais pas dire que je le déteste." Et le fait de ne pas mettre ce mot de haine dans ma bouche, c’était un grand apaisement. Par exemple, je me souviens de ce commandant "Gafa" [le chef du peloton chargé des otages, ndlr] qui était si horrible, si cruel. Il s’asseyait devant moi et je parvenais à lui sourire…
«Dans une ambiance de solitude spirituelle, où tout n’est qu’ennemis et agressivité, j’ai dû apprendre à ne pas réagir comme je réagissais lorsque j’étais libre et que j’étais entourée de gens qui m’aimaient, apprendre le silence, apprendre à baisser la tête. A certains moments, donc, la seule personne avec qui je pouvais parler, intérieurement, c’était la Vierge.
«J’ai réussi à pardonner. Pas seulement les geôliers, parfois aussi les compagnons [otages, ndlr] avec qui les relations peuvent être difficiles. On doit pardonner aussi, et c’est plus subtil, ces amis qui ne se sont pas rappelés à vous. Ces gens sur qui vous comptiez et qui vous ont fait défaut. Ces personnes que vous aimiez et que vous avez entendu dire des horreurs du style : "De toute façon, si elle a été prise en otage, c’est qu’elle l’avait cherché." Autre chose qui me faisait très mal, c’était d’entendre des gens dire : "C’est la guerre, il y a tellement de morts dans ce pays qu’elle n’est juste qu’une victime de plus." Quand on prend conscience que sa vie est juste un numéro, c’est très dur. Alors pardonner, j’ai eu beaucoup de choses à pardonner mais c’est fait.»

La politique
«Il y avait deux catégories de prisonniers chez les Farc. Ceux qu’ils appelaient les "prisonniers de guerre", militaires et policiers, et les prisonniers politiques comme moi. C’étaient les plus haïs de tous [par les Farc, ndlr], considérés comme ces salauds responsables de la "guerre". Les Farc avaient un caractère messianique : ils disaient être les seuls à mener le combat pour les Colombiens, avec des armes. Je leur disais que j’avais combattu aussi, avec des idées. Donc, j’avais toujours envie de leur dire : "Mais comment osez-vous croire que votre combat est meilleur que le mien ?" En vertu de quoi osent-ils penser qu’ils sont les seuls à pouvoir faire du bien à la Colombie. Moi aussi, je me bats pour la justice sociale. Et contre la corruption. Eux provoquent la corruption. Paient des gens au sein de l’Etat pour faire passer leurs armes, la drogue…
«Ce mot de politique a une connotation négative. Je n’ai pas envie de travailler dans cet espace. J’ai envie de me battre pour des choses qui ont à voir avec la politique. Parce que, changer le monde, ça passe par la politique. Il faut parler politique, mais pas entrer dans cette politique qui consiste à chercher comment faire nommer son cousin ambassadeur.
«La priorité est de payer ma dette. La première dette à payer, c’est à mes enfants, parce qu’ils ont beaucoup souffert. Ils ont combattu, ils ont dû faire face. Ils attendent maintenant de moi que je les défende. Je veux être un bouclier pour éviter qu’ils souffrent.
«Mais mon second combat, c’est pour les otages qui sont restés là-bas, dans la jungle. On ne peut pas les oublier. Si les gens ont vu en moi une sorte de symbole, c’est ce qu’on me dit tout le temps, tant mieux, mais n’oublions pas ceux qui sont en train de souffrir là-bas. Si depuis mon cercueil végétal, en captivité, j’arrivais à mobiliser les gens, et bien maintenant je pense que c’est une obligation morale de parler, de raconter, de témoigner.
«Le 20 juillet, il y a une grande marche en Colombie pour demander la libération des otages. Pour dire aux Farc : arrêtez, ce que vous faites est infâme. Il faut que les Farc sachent qu’ils sont bannis de la communauté internationale. Cette marche est importante. Je veux que ce combat ne soit pas seulement celui des Colombiens. C’est le problème de tout le monde. Les otages ont besoin qu’on lutte pour eux, comme tout le monde a lutté pour moi.»

La jungle et la libération
«Durant ces six ans et cinq mois de captivité j’ai dû rencontrer plus de 300 guérilleros de tous les âges, de toutes les conditions. De ces 300, il n’y en a pas plus de deux ou trois qui ont eu un comportement cohérent de compassion.
«Les Farc jouent sur les sentiments. Ils vous torturent et vous traitent comme un chien, mais, s’ils ont besoin de quelque chose, alors les personnages se transforment : ces êtres horribles deviennent différents et vous parlent avec gentillesse. Vous vous demandez si ce sont les mêmes qui vous parlent… Ceux-ci, je ne les compte pas. Mais je compte ces deux ou trois personnes qui, malgré le poids du groupe et le fait de savoir que s’ils avaient un comportement différent avec moi, ils risquaient d’être punis, jusqu’à passer en conseil de guerre et être fusillés, m’ont aidée. Concrètement, à un moment donné, j’étais très malade et j’ai eu besoin de médicaments. Il y a eu une personne qui a pris le risque de me passer en cachette des médicaments.
«Dans la jungle on souffre beaucoup, mais ce qui fait le plus souffrir c’est la souffrance de ceux qu’on aime.
«Je rêvais de découvrir le nouveau visage de mes enfants. Je vivais dans le bonheur de retrouver mes enfants. En même temps, je savais qu’ils allaient être différents. A sept ans de distance je craignais de ne pas avoir cette possibilité de recréer cette complicité que j’avais avec eux. Et je suis maintenant dans le meilleur des mondes parce que tout ce dont j’avais peur ne s’est pas révélé vrai.»

Les Farc
«Les Farc ne sont pas idéologiquement convaincus ni convaincants. Ils se donnent toutes sortes de raisons possibles pour se convaincre qu’ils vont parvenir au pouvoir par la force. Mais je ne pense pas qu’ils y croient vraiment, et c’est de moins en moins probable. Tout ce qui s’est passé pour les Farc depuis le début de l’année est pathétique. Ils doivent vivre des moments très durs.
«Les Farc, c’est le règne de la doctrine. Tous les jours, ils prennent ces gamins guérilleros et ils les amènent dans une sorte d’espace qu’ils appellent "la classe" et ils sont endoctrinés tous les jours, tous les jours.
«Il faut ouvrir des espaces politiques, dans lesquels on puisse trouver les moyens de se parler. Les Farc sont aussi des enfants de la Colombie. Ils ont fait beaucoup de mal et continuent à en faire, mais il faut qu’ils se rendent compte que ça y est, c’est fini, qu’il faut qu’ils arrêtent leur truc.»

Le retour en Colombie
«Je n’ai pas peur, mais je suis prudente. J’ai trop entendu de gens me dire ces dernières années que l’enlèvement était de ma faute. Ce n’était pas ma faute. Aller à San Vicente [le 23 février 2002, où elle a été enlevée, une zone à risques, ndlr] avait été une décision de principe. Tout ça c’est fini, c’est passé. Maintenant, je me dois aux miens et les miens me disent : "On a peur, sois prudente." Donc, je suis prudente. Quand je rentrerai en Colombie, je ne préviendrai personne pour que ma famille soit tranquille. C’est chez moi la Colombie, comme c’est chez moi la France. Quand je suis en France, la Colombie me manque, quand je suis en Colombie, la France me manque.
«Les Colombiens auraient tort de mal prendre mon absence à la marche du 20 juillet. Parce que nous sommes en train de rameuter la terre entière justement pour que les Colombiens voient qu’ils ne sont pas seuls, que tout le monde est là, et que c’est pas parce que notre libération a été un succès que c’est fini, qu’on peut partir en vacances. On n’est pas en vacances, on est tous en lutte. «Quand je vois ici à Paris des gens du Mali ou du Maroc qui m’embrassent, je me dis que la Colombie a retrouvé sa place dans le monde. Ce n’est plus la Colombie paria des narcos, des paramilitaires, des guérillas.»


10 juillet 2008
L'éditorial de Claude Imbert - Claude Imbert - Un peu de soleil dans l'eau froide !

Attendions-nous, sans y croire, que quelque paladin ranimât le culte d'un idéal oublié ? Par un étrange décret du destin, Ingrid Betancourt est devenue, pour une France maussade, une héroïne impromptue de la liberté.
Mais par quel prodigieux faisceau de symboles ! Dans un monde qui libère la femme d'une séculaire sujétion, c'est une femme qui saisit l'oriflamme. Dans un monde que le cosmopolitisme secoue, c'est une citoyenne à la fois française et colombienne, éduquée ici dans la riche Europe, et militante là-bas dans une Colombie percluse de misère, de narcotrafics, mutilée par la plus ancienne, la plus étendue, la plus féroce des guérillas ! Enfin, pour nouer les fils de ce roman transatlantique, la captive, enterrée pendant six ans sous les ombres de la forêt tropicale, devient, sous les lumières de nos villes, pasionaria de la liberté enchaînée...
Un sacré destin ! Encore fallait-il qu'Ingrid Betancourt égalât son destin. C'est le cas. Devant nous, enfin libre, elle apparaît, visage de madone, entre larmes et baisers, pour remercier son Dieu, sa Vierge, ses libérateurs et sa France... Tirée de sa nuit, jetée dans le tourbillon médiatique, elle impose la grâce d'une improbable sérénité. Et-rare alliage !-la douceur d'un rayonnement spirituel et la maîtrise d'une délicate posture politique. Convenez que la renommée de nos jours réserve son emphase à de plus médiocres aventures ! Ici, c'est une guirlande de beaux sentiments : courage, force d'âme, pardon... Les droits de l'Homme-et de la Femme-ont trouvé leur icône télévisuelle. Les esprits forts, chez nous, peuvent déprécier cette ferveur collective. Ils ont tort. Pour une fois, dans le grand cirque médiatique, la noblesse de coeur illuminait l'arène.
Il est heureux que la norme civique ait, au dénouement, prévalu. Qu'en cette Colombie où la démocratie est vouée aux pires outrages ce soit l'armée régulière qui ait triomphé sous l'autorité d'un président élu, et bien élu, en défenseur de l'Etat de droit. Pour la libération d'une citoyenne d'exception, la France-sous Chirac, Villepin et Sarkozy-se sera beaucoup dépensée avec des fortunes diverses. Une expédition d'agents spéciaux dès 2003 essuie un échec. Même déconvenue de l'entregent diplomatique mené de concert avec les Suisses et les Espagnols. Sarkozy enfin, et selon sa manière, faite d'énergie infatigable et d'exposition hasardeuse, aura plus d'une fois mordu la ligne jaune des convenances diplomatiques. Dans les affaires d'otages, monnaie courante ! Mais ses adresses solennelles au chef de la guérilla, ses tractations avec Hugo Chavez, mirobolant aventurier castriste-le tout avec ou sans l'assentiment du président colombien-auront fait de la France le champion d'une stratégie de négociation avec la guérilla. Ni Uribe ni l'Amérique, son principal soutien, n'ont jamais cru ni approuvé ce procédé. Les Colombiens ont donc secrètement préparé le raid décisif avec l'aide satellitaire et locale des Américains, et celle d'une expertise israélienne. La France, sans surprise, en fut soigneusement écartée.
Il n'y a pas à s'en attrister. D'abord, on doit se réjouir que le dernier mot revienne au gouvernement légitime. Ensuite, Ingrid Betancourt, elle-même, a réparti les mérites des uns et des autres. Aux Colombiens, celui du succès exécutif. Aux Français, et à Sarkozy, celui d'avoir battu le tambour international. D'avoir dans un premier temps pressé Uribe d'éviter l'épreuve de force militaire qui eût mis les otages en péril. Enfin, d'avoir développé autour d'une famille exemplaire un soutien multiforme à la captive. La gratitude publique d'Ingrid Betancourt à Sarkozy est là-dessus sans équivoque. La France aura donné à cette aventure le relief d'un combat pour la liberté. Dans le monde, autour d'une Française d'exception, l'image de notre pays y aura gagné quelques couleurs.
Il est chez nous constant que la malveillance déprécie la réussite et la grandeur. Il y a certes des milliers d'otages sur la planète et la paranoïa égalitaire déplore que seule la touchante Ingrid se trouve ainsi gratifiée. Dans les caniveaux d'Internet, on voit donc dériver des arguties insanes. Celle d'une mise en scène, une fois rançon versée, fut balayée par tous les acteurs et d'abord par Ingrid Betancourt. Même si tel geôlier, préposé à la garde des otages, avait pu être acheté, ce n'eût été que péripétie au service d'une opération brillamment menée. Il n'est pas, dit-on, de grand homme pour son valet de chambre. Ni de grand exploit pour les commères...
Dommage que Ségolène Royal ait, elle-même, trébuché dans un dépit politicien. Mais que la gauche comme la droite aient, ensemble, évité toute aigre petitesse montre que l'opinion, très largement, savourait le dénouement. Ce fut, pour la France, un peu de soleil dans l'eau froide !

10 juillet 2008
Ivan Cepeda Castro, avocat, est l’un des principaux opposants à Alvaro Uribe.
Colombie : « Le régime d’Uribe est complice de milliers de crimes »
receuilli et traduit par Marie C. Novoa

Quelle est votre réaction à la libération des otages ?
Comme la grande majorité de mes compatriotes, et comme beaucoup de personnes dans le monde, je me réjouis énormément de cette libération. Ingrid et les autres otages sont restés de nombreuses années dans la souffrance et privés de leur liberté. Malgré cela, Ingrid a réussi à affronter cette épreuve difficile avec dignité et courage. Cependant j’aimerais ajouter que cette grande émotion ne doit pas nous faire perdre de vue la situation actuelle de la Colombie et les caractéristiques de son gouvernement. Il s’agit d’un pays qui connaît l’une des crises humanitaires les plus grandes et les plus graves de la planète et d’un gouvernement impliqué dans différentes affaires de corruption et de criminalité, comme le démontrent de nombreuses enquêtes judiciaires.

D’après vous, quels seront les enjeux de la prochaine campagne présidentielle et quel rôle pourra y jouer l’opposition, dont vous êtes un des leaders ?
Cela sera une campagne très difficile pour l’opposition. L’enthousiasme qui fait suite à cette libération, et dont je viens de parler, a fait grimper la cote de popularité du président Alvaro Uribe, qui va très certainement se représenter aux élections. Mais, malgré tout, Uribe n’est pas invincible et affronte en ce moment une crise institutionnelle qui est de loin la plus profonde dans l’histoire récente du pays. Il suffit de rappeler que plus de 150 fonctionnaires publics – et parmi eux 60 membres du Congrès – en grande majorité amis du président, font actuellement l’objet d’une enquête judiciaire ou sont en cours de jugement pour ce que l’on appelle la « parapolitique », c’est-à-dire pour avoir été complices des paramilitaires dans des actes de lèse-humanité. À cela vient s’ajouter un nouveau scandale. Peu avant la libération des otages, la Cour suprême de justice a condamné une des membres du Congrès qui avait reçu de l’argent et d’autres avantages en échange de son vote décisif pour faire passer une loi permettant au président Uribe de cumuler un deuxième mandat présidentiel (1). Je pense, de ce fait, que le chemin qui lui reste à parcourir pour obtenir un troisième mandat n’est pas simple. Par ailleurs, les forces de l’opposition doivent se maintenir et continuer leurs efforts pour établir la démocratie et la justice sociale en Colombie. Ils doivent pour cela rester unis, avoir beaucoup d’imagination et rester fermes face aux tentatives du président Uribe de supprimer les avancées obtenues par la Constitution de 1991 (2).

Pensez-vous qu’Ingrid Betancourt ait une chance de gagner la prochaine élection présidentielle ?
Je crois qu’il est trop tôt pour en parler. Mais si Ingrid décide de participer à la campagne électorale, je crois qu’elle obtiendra la sympathie d’une grande partie de la population.

Cette libération inattendue signifie-t-elle que le président Uribe ait changé sa manière de gouverner ?
Si seulement cela pouvait être vrai, mais j’en doute beaucoup. Le président a démontré un grand manque de souplesse dans sa façon de penser et d’agir. Son objectif principal a été de continuer à faire la guerre, quelle que soit la méthode utilisée. Parallèlement, il essaie de réformer les institutions pour renforcer le pouvoir exécutif et restreindre l’action de la justice. Cette réforme institutionnelle mettrait fin aux avancées démocratiques de la Constitution de 1991, rendrait le régime encore plus autoritaire qu’il ne l’est, et garantirait l’impunité aux hommes politiques criminels, beaucoup d’entre eux étant amis ou collègues du président de la République.

La ligne de conduite de la guérilla s’est-elle adoucie ?
Jusqu’à présent, non. Mais j’espère qu’avec ses nouveaux chefs et suite aux événements qui viennent de se dérouler, cela se passera ainsi. La guérilla doit comprendre que la voie est maintenant politique et qu’elle ne doit pas continuer à utiliser des méthodes de pression comme les enlèvements.

Comment voyez-vous l’avenir politique et social de la Colombie ?
En Colombie, nous avons peu à peu accumulé les forces nécessaires pour faire un pas en avant vers une vraie démocratie. Les plus grands obstacles à vaincre sont la guerre et les immenses inégalités sociales. Voilà la base d’un programme démocratique qu’il nous reste à réaliser.

La France méconnaît les réalités politiques et sociales de la Colombie, du fait de la complexité de celles-ci : quel bilan pourrait-on faire de la situation actuelle ?
Il est difficile de répondre à cette question en peu de mots. Mais voici ce que l’on pourrait dire. La Colombie est un pays en proie à un conflit de plus de 50 ans, au cours duquel presque toutes les formes de violences contemporaines ont été pratiquées. L’opinion internationale est au courant des enlèvements et des crimes commis par la guérilla. Mais un autre visage de la réalité est moins connu. Il s’agit des crimes commis par l’État et les groupes paramilitaires. Ils sont tous deux en grande partie responsables du déplacement forcé d’environ 4 millions de personnes, de 20 000 disparitions forcées et de près de 3 500 massacres au cours des 20 dernières années. Toute cette violence a engendré un énorme coût humain et économique et a servi à ce qu’une élite minoritaire accumule le pouvoir, les terres et les richesses. À tout cela s’ajoute également le trafic de drogue dont le développement a été à la fois la cause et la conséquence du conflit armé.

Quelles sont les propositions de l’opposition pour pouvoir sortir de cette crise ?
Face à la situation décrite ci-dessus, il est essentiel de défendre les avancées démocratiques de la Constitution de 1991 et de garantir aux victimes la vérité et la justice. Il y a par ailleurs urgence à réaliser une réforme agraire. Démocratiser la propriété de la terre permettrait non seulement de partager les richesses mais aussi de régler deux autres problèmes de fond : le trafic de drogues et les déplacements internes de population. Enfin il faut prendre des mesures qui permettent de démocratiser le pays. J’aimerais rappeler ici le massacre qui a décimé les forces d’opposition : je fais référence à l’élimination de près de 5 000 militants et leaders de l’Union Patriotique, un mouvement qui est apparu suite aux négociations de paix, au milieu des années 1980. Régulièrement, syndicalistes, opposants politiques, journalistes et responsables associatifs se font tuer en Colombie. Ils ont tous pour point commun de dénoncer la complicité du gouvernement avec les commandos paramilitaires. Est-ce cela un État de droit ? Est-ce cela une démocratie ?

Qu’aimeriez-vous dire aujourd’hui aux Français ?
Les féliciter pour leur mobilisation sans faille pour la libération d’Ingrid et les inviter à se solidariser aussi pour les millions de victimes qui existent en Colombie, victimes de la guérilla mais aussi de l’État et des paramilitaires. Leur demander qu’ils continuent leurs efforts pour contribuer à la paix et à la démocratie en Colombie en utilisant la mobilisation citoyenne, une coopération internationale constructive et les réseaux de solidarité globale.

(1) Avant Uribe, le président de la République ne pouvait accomplir qu’un seul mandat.
(2) En 1991, l’Assemblée nationale a réussi à changer la Constitution datant de 1 889 en y apportant de grandes réformes démocratiques.

Ivan Cepeda, un opposant menacé de mort

Ce ne sont pas les Farcs qui veulent la peau d’Ivan Cepeda Castro, mais les commandos paramilitaires. Depuis plus de dix ans, ils le menacent de mort par lettres ou appels téléphoniques. Il doit sans arrêt se protéger pour établir les moindres contacts et pour se déplacer. Le dernier groupe connu à l’avoir menacé, en 2007, se fait appeler « les aigles noirs ». Pourquoi un tel acharnement ? Le 9 août 1994, à Bogota, son père est assassiné par un commando qui revendique ce meurtre sous le nom de Macogue : mort aux communistes et aux guérilleros. Manuel Cepeda Vargas, père d’Ivan, était un sénateur représentant l’Union patriotique et le Parti communiste. L’Union patriotique est une formation née en 1985, suite aux négociations passées entre le gouvernement et les Farcs pour un cessez-le-feu. Devant le succès électoral remporté par les candidats de l’UP, les représailles n’ont pas tardé : 5 000 de ses militants ont été tués. Les responsables, connus de tous, sont des membres des services de sécurité et des paramilitaires. Ils bénéficient depuis d’une impunité. Depuis 1994, Ivan consacre sa vie et ses études à la recherche des responsables de crimes commis avec la complicité de l’État (il a fait une thèse en France sur le sujet, quand il était en exil). Ses investigations l’ont d’abord conduit à trouver les responsables du meurtre de son père : le général Rodolfo Herrera Luna, qui l’a commandité, et deux sergents, qui l’ont exécuté. Le premier est décédé, les deux autres ont été punis par la justice… d’un « blâme sévère ». Afin de récolter des fonds et de rassembler des soutiens nécessaires à sa mission impossible, Ivan Cepeda a créé la Fondation Manuel Cepeda. Grâce au travail mené depuis toutes ces années, sa fondation a rassemblé des informations sur plus de 40 000 cas de violences commis depuis 1996. Ivan Cepeda est aujourd’hui l’une des figures majeures de l’opposition. On parle de lui comme candidat de la gauche à la prochaine présidentielle. De nombreuses ONG, dont Amnesty international, alertent régulièrement l’opinion publique sur les menaces de mort qui pèsent sur lui. En France, politiques et médias l’ignorent.

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27/06/2008
Alvaro Uribe, fils du chaos colombien François Hauter
Le président colombien vient dans un geste spectaculaire de remettre son mandat en jeu, après que la Cour suprême de Bogota a jugé que sa réélection massive, en 2006, avait été entachée de corruption.
»Uribe met son mandat en jeu


Alvaro Uribe, 56 ans, est le président le plus populaire que la Colombie ait jamais connu. Son père a été tué par les Farc en 1983 et lui-même a réchappé de peu à un attentat, en 2002.

Comme la plupart des hommes de pouvoir, il est rancunier. Et comme il a une mémoire d'éléphant, il se souvient précisément de chaque blessure reçue. Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), il en fait une affaire personnelle : «Vous savez qui a tué mon père ? Vous le savez n'est-ce pas ? Je les tuerai tous. Jusqu'au dernier !», déclarait-il en 2003 à un diplomate européen médusé.

Voilà en résumé Alvaro Uribe, 56 ans, le président le plus populaire que la Colombie ait jamais connu, dont le père est tombé sous les balles des Farc en 1983, et qui lui-même a réchappé de peu à l'un de leurs attentats, en 2002. Une boule d'énergie, de volonté, d'intransigeance. Concentré sur lui-même, cohérent dans ses propos, martelant ses arguments, il semble vouloir les enfoncer dans l'esprit de ses interlocuteurs. Il hait la gauche. Il vénère le travail. Il n'a pas d'humour. Aux antipodes des caricatures de despotes sud-américains, ripailleurs et volubiles, genre Hugo Chavez. Alvaro Uribe est un homme froid, intelligent, un regard perçant, fin stratège, jouant un coup ou deux en avance sur ses adversaires. Un type à fleur de peau, tendu, colérique, dur. Un lutteur acharné, qui aime les risques. Une lame. Un combattant.

La Colombie, qui depuis près de deux siècles vit son indépendance sur le mode d'un western sanglant marqué par les guerres, les meurtres, les enlèvements, les règlements de comptes, les tortures, l'aime, ce président d'airain. Il a été plébiscité par ses 44 millions de concitoyens en 2002 et en 2006. Il n'a que la force pour religion : il a fait reculer la violence dans son pays.
Avec l'aide financière de son ami George W. Bush, il a fait désarmer 33 000 hommes des milices armées de droite et de gauche (1). Au prix d'une offensive militaire coûteuse, il a repoussé les Farc dans des jungles impénétrables. Dans les villes, qui rassemblent 74 % de la population, la paix, la sécurité et la prospérité s'installent depuis trois ans. Dans les campagnes, où se concentrent les 30 % des Colombiens les plus pauvres sur un territoire deux fois grand comme la France, c'est encore la loi, sauvage, des plus forts. L'État est incapable de contrôler l'étendue du pays. Aujourd'hui, néanmoins, les citadins peuvent vivre normalement, l'économie décolle : «La nouvelle question est maintenant de savoir comment administrer l'opulence économique en allant vers davantage d'égalité», explique Gonzalo Cordoba, le directeur du journal El Espectador.
Cette paix civile est un miracle pour les Colombiens. Il est difficile d'imaginer de quel tumulte revient ce malheureux pays. Il y a vingt ans, il ne se passait pas de semaines sans que El Espectador, qui menait des campagnes de presse courageuses contre les grands cartels de la drogue, n'enterre l'un de ses reporters assassinés ou ne soit victime d'attentats à la bombe. Bogotá, quotidiennement, tremblait, tant les explosions criminelles étaient nombreuses. La cruauté des cartels de Cali et Medellín était extrême : les forces paramilitaires de droite, formées au départ pour défendre les grandes haciendas, étaient passées à la solde de ces groupes mafieux, riches de plusieurs milliards de dollars.
Une histoire qui remontait à la fin de la guerre du Vietnam : la demande de drogue avait alors explosé aux États-Unis. Des anciens pilotes américains allaient chercher «la coke» en hélicoptère, et la culture de la feuille de coca avait explosé en Colombie. Le pays sombrait dans l'anarchie criminelle, il retrouvait sa violence première. Entre 1819 et 1903, il avait connu quarante-trois guerres locales, neuf guerres civiles, deux conflits avec l'Équateur, trois coups d'État…
Alvaro Uribe est l'enfant de ce chaos. Il est né à Medellín, la plus belle des grandes villes du pays, plantée au milieu d'un cirque majestueux de montagnes. En 1982, il en deviendra maire. Il conservera ce poste quatre mois seulement, avant de devenir sénateur, puis gouverneur de la région où il a passé son enfance, l'Antioquia.
L'homme fait partie de ces grandes familles qui ont payé de lourds tributs, comme toute la population colombienne, aux violences. Il grandit dans la région, et à l'égal des gens de son milieu, termine ses études aux États-Unis, à Harvard. Dans l'Antioquia, il devient avocat, et son père se fait assassiner par une attaque des Farc contre la propriété familiale. À l'époque, les propriétaires sont liés avec les forces paramilitaires, et indirectement, donc, avec les parrains de la drogue. Sur ce territoire en pleine anarchie, les forces de gauche sont financées et armées par Fidel Castro. Celles de droite se défendent en se compromettant avec les cartels. C'est à partir de 1988 seulement que George Bush père va lancer toute la puissance militaire des États-Unis contre les cartels, dans l'espoir de purger la Colombie de la cocaïne. Cette guerre secrète, impitoyable, sera bien décrite par Tom Clancy dans son roman Clear and Present Danger. C'est ce passé qui rattrape aujourd'hui Alvaro Uribe et ses amis.
Le président colombien déteste qu'on lui en parle. Car paradoxalement, c'est bien lui qui a dégoupillé la grenade qui le menace aujourd'hui, en promettant la grâce à tous les paramilitaires qui déposeraient les armes, à la seule condition qu'ils disent la vérité, rien que la vérité. Un scandale éclate donc après l'autre, les liens entre les paramilitaires et la classe politique apparaissant au grand jour. Les juges de la Cour suprême ont déjà ordonné l'arrestation de quatorze députés et sénateurs, des proches d'Uribe.
Comment décrypter les compromissions des uns et des autres, vingt ans après les violences atroces commises au nom de la lutte antimarxiste ? Le cousin du président, et son meilleur allié politique, Mario Uribe, est en prison depuis avril. D'autres alliés, la présidente du Sénat, Nancy Patricia Guttierez, et Carlos Garcia, le président du parti U comme Uribe font l'objet d'enquêtes judiciaires. De fait, Alvaro Uribe surfe sur la nécessité de maintenir coûte que coûte la sécurité et l'ordre dans un pays traumatisé par trois décennies d'horreurs (une famille sur quatre dans le pays a été la victime d'enlèvements). Il renvoie aux Colombiens une image de force, celle d'un travailleur infatigable, efficace, celle du «el dueno de la finca», le patron de la propriété, qui est le premier levé et au courant de tout.
Politique, il l'est jusqu'au fond de ses tripes. En 1988, les commentateurs le disaient destiné à un grand avenir, «à condition de se dégager de son image d'homme de gauche». En 2008, ses détracteurs à l'étranger le placeraient plutôt à l'extrême droite de l'échiquier politique.
Alvaro Uribe, de fait, est un nationaliste fervent, un homme charismatique qui a compris le besoin essentiel de sécurité de ses concitoyens, un homme qui se montre ferme sur les affaires intérieures et libéral en matière économique. La Colombie, en six ans, est redevenue la seconde économie de l'Amérique du Sud, derrière celle du Brésil. L'immense talent d'Uribe aura été de redonner confiance aux Colombiens dans leur pays. Et de ce point de vue, ses 80 % de popularité ne sont pas volés.
Une image qui tranche avec celle projetée à l'étranger, en particulier par les proches de l'otage franco-colombienne Ingrid Betancourt. C'est vrai, Uribe met toutes ses forces à écraser les Farc, et son peuple le soutient, tant cette guérilla est devenue une force mafieuse elle aussi. Une mission sacrée pour lui : c'est sans aucun doute ce qui le pousse à gagner du temps, à briguer un troisième mandat.
Comme la plupart des hommes de pouvoir, il est rancunier. Et comme il a une mémoire d'éléphant, il se souvient précisemment de chaque blessure reçue. Les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), il en fait une affaire personnelle: «Vous savez qui a tué mon père? Vous le savez n'est-ce pas? Je les tuerai tous. Jusqu'au dernier!», déclarait-il en 2003 à un diplomate européen médusé.
Voila en résumé Alvaro Uribe, 56 ans, le président le plus populaire que la Colombie ait jamais connu, dont le père est tombé sous les balles des Farc en 1983, et qui lui-même a réchappé de peu à l'un de leurs attentats, en 2002. Une boule d'énergie, de volonté, d'intransigeance. Concentré sur lui-même, très cohérent dans ses propos, martelant ses arguments, il semble vouloir les enfoncer dans l'esprit de ses interlocuteurs. Il hait la gauche. Il vénère le travail. Il n'a pas d'humour. Aux antipodes des caricatures de despotes sud-américains, ripailleurs et volubiles, genre Hugo Chavez. Alvaro Uribe est un homme froid, intelligent, un regard perçant, toujours fin stratège, jouant un coup ou deux en avance sur ses adversaires. A la surprise, là où on ne l'attend pas. Un type à fleur de peau, tendu, colérique, dur. Un lutteur acharné, qui aime les risques. Une lame. Un combattant.
La Colombie, qui depuis près de deux siècles vit son indépendance sur le mode d'un western sanglant marqué par les guerres, les meurtres, les enlèvements, les règlements de comptes, les tortures, l'aime, ce président d'airain. Il a été plebiscité par ses 44 millions de concitoyens en 2002 et en 2006. Parce que cet homme qui n'a que la force pour religion fait reculer la violence dans son pays.
Avec l'aide financière de son ami Georges W. Bush, il a fait désarmer 33 000 hommes des milices armées de droite et de gauche (1). Au prix d'une offensive militaire coûteuse, il a repoussé les Farc dans des jungles impénétrables. Dans les villes, qui rassemblent 74% de la population, la paix, la sécurité et la prospérité s'installent depuis trois ans. Dans les campagnes, où se concentrent les 30% des Colombiens les plus pauvres sur un territoire deux fois grand comme la France, c'est encore la loi , sauvage, des plus forts. L'Etat est incapable de contrôler l'étendue du pays. Aujourd'hui néanmoins, les citadins peuvent vivre normallement, l'économie décolle: «La nouvelle question est maintenant de savoir comment administrer l'opulence économique en allant vers davantage d'égalité», explique Gonzalo Cordoba, le directeur du journal El Espectador.
Cette paix civile est un miracle pour les Colombiens. Il est difficile d'imaginer de quel tumulte revient ce malheureux pays. Il y a vingt ans, il ne se passait pas de semaines sans que El Espectador, qui menait des campagnes de presse courageuses contre les grands cartels de la drogue, n'enterre l'un de ses reporters assassinés ou ne soit victime d'attentats à la bombe. Bogota, quotidiennement, tremblait, tant les explosions criminelles étaient nombreuses. La cruauté des cartels de Cali et Medellin était extrême: les forces paramilitaires de droite, formées au départ pour défendre les grandes haciendas, étaient passées à la solde de ces groupes mafieux, riches de plusieurs milliards de dollars. Une histoire qui remontait à la fin de la guerre du Vietnam: la demande de drogue avait alors explosé aux Etats-Unis. Des anciens pilotes américains allaient chercher «la coke» en hélicoptère, et la culture de la feuille de coca avait explosé en Colombie. Le pays sombrait dans l'anarchie criminelle, il retrouvait sa violence première. Entre 1819 et 1903, il avait déjà connu quarante trois guerres locales, neuf guerres civiles, deux conflits avec l'Equateur, trois coups d'Etat...
Alvaro Uribe est l'enfant de ce chaos. Il est né à medellin, la plus riche des grandes villes du pays, plantée au milieu d'un cirque majestueux de montagnes. En 1982, il en deviendra maire. Il conservera ce poste quatre mois seulement, avant de devenir senateur, puis gouverneur de la région où il a passé son enfance, l'Antioquia.
L'homme fait partie de ces grandes familles qui ont payé de lourds tributs, comme toute la population colombienne, aux violences. Il grandit dans la région , et à l'égal des gens de son milieu, termine ses études aux Etats-Unis, à Harvard. Dans l'Antioquia, il devient a vocat, et son père se fait assassiner par une attaque des Farcs contre la propriété familiale. A l'époque, les propriétaires sont liés avec les forces paramilitaires, et indirectement donc, avec les parrains de la drogue. Sur ce territoire en pleine anarchie, les forces de gauche sont financées et armées par Fidel castro. Celles de droite se défendent en se compromettant avec les cartels. C'est à partir de 1988 seulement que Georges Bush père va lancer toute la puissance militaire des Etats-Unis contre les cartels, dans l'espoir de purger la Colombie de la cocaïne. Cette guerre secrète , impitoyable, sera bien décrite par Tom Clancy dans son roman «Clear and present danger».
C'est ce passé qui rattrape aujourd'hui Alvaro Uribe et ses amis. Le président colombien déteste qu'on lui en parle. Car paradoxalement, c'est bien lui qui a dégoupillé la grenade qui le menace aujourd'hui, en promettant la grâce à tous les paramilitaires qui déposeraient les armes, à la seule condition qu'ils disent la vérité, rien que la vérité. Un scandale éclate donc après l'autre, les liens entre les paramilitaires et la classe politique colombienne apparaissant au grand jour. Les juges de la Cour suprême ont déjà ordonné l'arrestation de quatorze députés et senateurs, des proches d'Alvaro Uribe.
Comment décripter, vingt ans après les violences atroces commises au nom de la lutte anti-marxiste, les compromissions des uns et des autres? Comment expliquer que l'on a encouragé la formation de milices, qui ensuite sont devenues maffieuses et ont assassiné des milliers de personnes? Le cousin du président, et son meilleur allié politique, Mario Uribe, est en prison depuis avril. D'autres proches, -La présidente du Sénat, Nancy Patricia Guttierz, et Carlos Garcia, le président du parti «U comme Uribe»- font l'objet d'enquêtes judiciares.
De fait, Alvaro Uribe surfe sur la nécessité de maintenir coûte que coûte la sécurité et l'ordre dans un pays absolument traumatisé par trois décennies de violences absolues. Il renvoie aux Colombiens une image de force , et celle d'un travailleur infatigable, efficace, celle du «el dueno de la finca», le patron de la propriété, qui est le premier levé et au courant de tout.

(1)L'Armée de Liberation nationale (ELN), 8000 hommes, est la seconde guerilla marxiste du pays, avec les Farc. .

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19/06/2008 Publication du Rapport annuel 2007

L’Obstination du témoignage Version | English

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme , qui accompagne, suit, et protège tout au long de l’année les défenseurs, publie aujourd’hui son Rapport 2007 consacré à une année entière de combat pour les droits de l’Homme à travers le monde.

Dossier de presse Rapport complet (349 pages) Amériques

Ce rapport, auquel ont contribué Hina Jilani, Desmond Tutu, Barbara Hendricks, José Ramos Horta, Adolfo Perez Esquivel et Wei Jingsheng, célèbre l’obstination du témoignage de tous les défenseurs des droits de l’Homme.
Soixante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme par l’ Assemblée Générale des Nations unies et dix ans après l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, de nombreux Etats continuent de violer ces deux textes fondamentaux.

Comme le souligne Eric Sottas, Secrétaire général de l’OMCT, « en 1998, à l’issue des difficiles négociations qui ont abouti à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, nous attendions des Etats qu’ils adoptent des mesures conformes à leurs engagements. Le bilan 2007 montre au contraire que cette année, plus que jamais, les défenseurs ont été confrontés à des atteintes à leurs droits visant à les empêcher d’effectuer leur indispensable travail de défense et de protection des droits de l’Homme ».
Un constat s’impose : l’obsession de “la sécurité” prend désormais le pas sur la nécessaire liberté des citoyens. Les arrestations arbitraires, les condamnations au terme de procès inéquitables, ou encore les placements en résidence surveillée se sont poursuivis cette année, et sont autant de freins à l’action de centaines de défenseurs des droits de l’Homme à travers le monde. Certains défenseurs continuent en outre de payer de leur vie leur engagement.
« Il nous faut reconnaître, précise Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH, que les défenseurs subissent aujourd’hui un retour de bâton sans précédent, contre lequel il nous faut plus que jamais être vigilants ».
Ce rapport est publié en versions française, anglaise et espagnole dans son intégralité, en russe pour la partie Europe et Communauté des Etats indépendants et en arabe pour la partie Maghreb/Mashrek. Par ailleurs, une annexe sous forme de Cd-Rom, qui compile les cas traités par l’Observatoire en 2007, sera disponible ultérieurement.

13/06/2008 La Colombie sur le chemin de la paix
La guérilla est diminuée et ne peut plus mener d'offensives. 30 000 paramilitaires déposent les armes. S'agit-il d'une transformation en profondeur, ou d'un changement de façade ?


Photo : Des enfants jouant dans le "Parque de los Deseos" à Medellin le 2 mai 2008 (AFP/Arboleda).

En chemise claire, rondouillard mais pas vraiment sympathique, l’homme semble serein, la conscience tranquille. En ce début du mois de mai, Diego Fernando Murillo, assis devant une petite table dans une pièce du bâtiment de la police judiciaire – le « bunker » –, est plongé dans un document de plusieurs pages.

À sa droite, son avocat ; debout, à sa gauche, un homme armé, en treillis sombre, surveille le prisonnier. Avec un peu de retard, le procureur ouvre la séance et l’ancien chef paramilitaire, après un bref préambule, répond aux questions laissées en suspens lors de la précédente session.

Dans la pièce, ni public ni témoin. L’audience se tient à huis clos. Pas tout à fait pourtant, car la scène est retransmise dans deux villes du nord-ouest du pays, là où « Don Berna » – c’est son nom de guerre – a dirigé les milices d’extrême droite dans les années 1990. Non sans avoir auparavant trahi le parrain de la drogue, Pablo Escobar, pour mieux lui reprendre son affaire.

Démobilisation en échange d'une justice clémente
À Medellin et à Monteria, des victimes des exactions des « paras » peuvent ainsi voir le détenu, l’écouter et lui poser des questions. Mais indirectement, par écrit : ainsi le prévoit la loi « Justice et Paix », qui sert de cadre à la démobilisation des paramilitaires en échange d’une justice clémente. Un texte qui ne permet pas de confrontation avec les victimes.
« Don Berna » apparaît aussi sur un grand écran dans une autre salle du « bunker », à Bogota. Une poignée de personnes sont présentes ce matin, et leurs questions trahissent les mêmes angoisses, les mêmes haines qu’à Medellin ou à Monteria : « Vous êtes venus le 14 avril 2001, vous avez emmené mon mari, et nous n’avons jamais eu de nouvelles depuis. Savez-vous où il est ? » « En octobre 1999, le 10 octobre précisément, des hommes nous ont forcés à quitter nos terres. Que pouvons-nous faire pour les récupérer ? »
Les mêmes histoires – celles des milliers de disparus et d’hectares de terres volées –, les mêmes réponses aussi : « Je ne sais rien de ce lamentable fait », anonne « Don Berna ». Ou encore : «Je ne suis pas au courant, je n’ai pas d’informations.»

Près de 10 000 victimes imputées aux milices paramilitaires
Mais le vent a tourné. À coup sûr, les prochains interrogatoires seront plus musclés : comme une quinzaine d’autres chefs des AUC (Autodéfenses unies de Colombie), « Don Berna » vient d’être extradé aux États-Unis, enchaîné et menottes aux poings. Faute d’avoir joué le jeu – Bogota les accuse notamment d’avoir continué à gérer leurs sombres affaires depuis leurs cellules –, c’est désormais à la justice américaine qu’ils devront rendre des comptes.
Ils devront s’expliquer non pas sur les violations des droits de l’homme mais sur leur rôle dans le trafic de cocaïne à destination des villes américaines, et risquent de lourdes peines. Voilà donc « Don Berna » et ses tristes acolytes – on attribue aux AUC, créées au milieu des années 1990, de nombreux massacres et quelque 10 000 victimes – hors d’état de nuire.
Et ce n’est pas tout. Car les chefs ne sont que la partie la plus visible, la plus spectaculaire, de l’iceberg couleur kaki. Au total, plus de
30 000 paramilitaires ont accepté de déposer les armes depuis 2003, en échange d’une peine de prison de huit ans maximum.

Les Farc aussi sur la défensive
De son côté, la guérilla aussi est sur la défensive, obligée de se replier sur les zones frontalières pour échapper aux offensives de l’armée. Les Farc ont conservé une part de leurs capacités de nuisance – comme l’illustre le cas Betancourt – mais la mort de plusieurs de leurs leaders et de nombreuses désertions ont miné leurs forces, guère supérieures aujourd’hui, selon l’armée, à 9 000 hommes en armes – moitié moins qu’il y a quelques années. Le nombre des enlèvements imputés aux Farc est aussi en forte chute – de près de 1 000 par an au début des années 2000 à une cinquantaine l’an passé.
Le pays serait-il sur la voie de l’apaisement ? « C’est certain, il y a moins de violence, note Frédéric Massé, analyste à Bogota à l’International Crisis Group, centre de recherche européen. La guérilla est diminuée et ne peut plus mener d’offensives militaires. Et quand
30 000 paramilitaires déposent les armes, ça fait une différence.
Même si certains ne jouent le jeu qu’à moitié, si d’autres ont repris des activités criminelles, on peut estimer qu’il y a 10 000 à 15 000 hommes en armes en moins. Les statistiques attestent de cette diminution de la violence. Mais s’agit-il d’un véritable changement, en profondeur, ou seulement d’un changement de façade ? »

"Dans les faits, rien n'a changé"
Beaucoup s’interrogent en effet sur la réelle portée de cette démobilisation des « paras ». Si la grande majorité des Colombiens s’en félicitent, les organisations de défense des droits de l’homme sont, elles, sévères. « Ce processus est une farce, lâche Alirio Uribe Munoz, du Collectif des avocats, organisme qui défend les victimes d’atteintes aux droits fondamentaux.
D’abord parce que ni la justice ni la vérité n’avancent : très peu des paramilitaires sont en prison, et alors qu’ils devaient dire la vérité pour bénéficier de la clémence de la justice colombienne, nous n’apprenons rien ou presque. En outre, dans les faits, rien n’a changé : il y a encore 74 groupes paramilitaires actifs dans 25 départements du pays. »
Car tous les indicateurs ne sont pas au vert. La violence à l’encontre des syndicalistes est ainsi repartie à la hausse, après avoir fortement diminué : lors des quatre premiers mois de cette année, 22 assassinats avaient été enregistrés, soit presque autant que sur toute l’année 2007 (26).

Émergence de nouvelles structures criminelles
C’est certes nettement moins qu’au début des années 2000, quand 200 leaders sociaux tombaient tous les ans. Mais ces statistiques confirment une recrudescence de meurtres attribués en général aux « bandes émergentes » – selon la terminologie du gouvernement. La nature ayant peur du vide, surtout quand il y a de l’argent et de la drogue, d’autres structures criminelles ont surgi là où opéraient les paramilitaires.
Pour les autorités, il ne s’agit que de délinquance commune, à combattre comme n’importe quelle activité criminelle. Pour d’autres, ces groupes sont bien plus sophistiqués et leur mode de fonctionnement rappelle étrangement celui des paramilitaires. Comme eux, ils seraient également porteurs d’un projet politique, s’attaquant aux leaders sociaux.
Au point qu’il devient difficile de les distinguer des « paras ». À l’image des « Aguilas Negras » (« Aigles noirs »), très actifs dans le département Norte de Santander, dans le nord-ouest du pays. Fortes d’effectifs estimés à 4 000 hommes, elles ont d’ailleurs à leur tête d’anciens cadres des AUC.

Gilles BIASSETTE, à BOGOTA ______________

Assassinats, scandales politiques mercredi 28/05/2008
Conflit colombien : la cruelle responsabilité des paramilitaires

Le 23 mai, des organisations de la société civile européenne et colombienne ont lancé à Paris un appel à la présidence française de l’Union européenne en faveur de la paix et du respect des droits humains en Colombie. Un de leurs objectifs est de sensibiliser sur la gravité de la situation des droits de l’homme et de l’impunité : exactions commises par les paramilitaires et les récents scandales de la parapolitique qui touchent des proches du président Uribe. Sans oublier les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Un véritable conflit interne.

Le conflit colombien, ce n’est pas uniquement les FARC, Ingrid Betancourt et les compagnons d’infortunes de la franco-colombienne. C’est aussi le problème des paramilitaires. A l’origine de nombreuses violations des droits de l’homme et infractions au droit humanitaire international, ils sont censés être démobilisés. Mais les scandales demeurent et des proches du pouvoir présidentiel sont suspectés. Un mois avant la présidence française de l’Union européenne, des organisations de la société civile européenne et colombienne ont ainsi tenu une conférence de presse, le 23 mai à Paris, au Centre d’Accueil de la Presse étrangère, afin de sensibiliser sur l’inquiétante situation des droits de l’homme en Colombie.

La Colombie, le "mauvais voisin"

A l’origine de cet appel, la Coordination française pour la paix en Colombie (CFPC) -qui réunit entre autres le Secours catholique, le Comité catholique contre la faim (CCFD) ou encore la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)- ainsi que le Bureau international des droits humains - Action Colombie (OIDHACO).

Au centre de leurs préoccupations, un processus de démobilisation des groupes paramilitaires qui favorise l’impunité, en toute connivence avec l’actuel chef d’Etat colombien, Alvaro Uribe (élu en 2002, réélu en 2006) (A lire aussi, sur le site RISAL : "les relents narco-paramilitaires" du président colombien et sur Bakchich.info, les manifestations qui l’ont embarrassé), proche de Washington et l’un des derniers hommes de droite au pouvoir en Amérique Latine. « Le mauvais voisin ». Le durcissement de sa politique militaire, alors qu’il nie l’existence d’un conflit interne dans son pays, lui attire les foudres des défenseurs des droits de l’homme. Ces derniers s’inquiètent depuis longtemps du cas colombien. Depuis 1985, le nombre de personnes déplacées s’élève à plus de 4 millions, soit le deuxième pays après le Soudan.
Des événements récents témoignent de la précarité des droits humains ainsi que des liens suspects existant entre le pouvoir et les groupes paramilitaires, soi-disant démobilisés depuis le décret 128 de 2003 puis de la loi Justice et Paix censée encadrer la démobilisation. Le 22 avril dernier, le cousin du président colombien, Mario Uribe, a été arrêté en raison de ses liens avec les paramilitaires, suite aux révélations d’anciens chefs de ces groupes armés. Le haut niveau du pouvoir politique est gangréné. Tout comme le parlement. « Il y a actuellement 61 parlementaires poursuivis en justice et plus de 100 hauts fonctionnaires (maires, gouverneurs ...) », précise Luciano Sanin, représentant de la plate-forme colombienne "Coordination Colombie-Europe-Etats-Unis", de passage à Paris pour la conférence..

Encore 10 000 paramilitaires actifs

L’aspect positif du processus de démobilisation est de faire tomber certains des hommes politiques impliqués : les anciens chefs, retirés, parlent. Et ils balancent. Dans cette optique et pour éviter de plus amples scandales, le gouvernement colombien a décidé le 13 mai dernier d’extrader aux Etats-Unis 14 des plus importants chefs paramilitaires « responsables de crimes de lèse humanité ». Cela signifie que ces membres haut placés des groupes armés, qui commençaient à évoquer "des nombreux massacres", sont retirés du système judiciaire colombien. Ils ne seront jugés, sous la juridiction américaine, "que" pour trafic de drogue et non pour leurs usurpations de terres et assassinats. La justice et la vérité sont mises aux oubliettes au profit d’une impunité qui se généralise. Aux oubliettes également le droit des nombreuses victimes. Car, « les paramilitaires ce sont encore 10 000 hommes actifs, et depuis 6 ans, 12 000 assassinats politiques, 1000 exécutions "extra-judiciaires", 445 syndicalistes assassinés. Avec les FARC, le nombre d’otages est porté à 1500 », dénonce Luciano Sanin.

Luis Eduardo Salcedo, lui aussi du déplacement parisien, a tenu à rappeler que dans le cadre de cet appel, la pression devrait aussi être mise sur les FARC. Acteurs du conflit, ils détiennent plus de 700 otages. Un symptôme de plus des infractions au droit humanitaire. « Le gouvernement doit les rencontrer et discuter directement avec eux. Il faut trouver un accord humanitaire », clame-t-il, révolté et lucide.

Sur le web : Appel à la paix de partenaires (...)

Les milices paramilitaires

Apparues dans les années 60 pour lutter contre les guérilleros et assurer une protection privée aux grands propriétaires terriens, elles se renforcent dans les années 80. Une première légalisation explicite du paramilitarisme a lieu en 1965, visant à "organiser la défense nationale". La législation permanente ne deviendra inconstitutionnelle qu’en 1989. Depuis, ces milices privées se regroupent au sein des AUC (Autodéfenses unies de Colombie). Elles se financent de la même manière que les mouvements qu’elles combattent, par le racket, le narco-trafic, la vente d’armes...)

Déclarations du président Uribe et du ministre de la Défense
Colombie: Ingrid Betancourt bientôt libre alors qu'est annoncée la mort du nº1 des FARC? dimanche 25 mai 2008

Connu sous son nom de guerre Manuel Marulanda Vélez, alias "Tirofijo" ("Tir précis"), le chef suprême de la guérilla des FARC (à gauche) avait pour vrai nom Pedro Antonio Marin. Né le 12 mai 1930, il fonda les FARC en 1964 à partir d'une milice paysanne d'autodéfense. A ses côtés, Jorge Briceño, alias Mono Jojoy, l'un des sept membres du haut commandement de la guérilla. (Photo FARC-EP)

BOGOTA, dimanche 25 mai 2008 (LatinReporters.com) - Le président colombien Alvaro Uribe a révélé samedi l'existence de contacts entre le gouvernement et des guérilleros des FARC qui envisageraient de déserter en libérant Ingrid Betancourt et d'autres otages. M. Uribe leur promet récompense et liberté conditionnelle en France. Le ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, affirme pour sa part que le chef suprême et fondateur des FARC, Manuel Marulanda, serait mort le 26 mars.

Les deux informations sont d'un tel calibre, renforcé en outre par leur quasi simultanéité, qu'elles soulèvent autant de prudence que d'espoir. Guerre psychologique? Aboutissement logique de la désormais écrasante supériorité de l'armée colombienne sur la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie)? Pour l'heure, on ne peut que s'en tenir aux déclarations du président Uribe et du ministre Santos.
A Florida, près de Cali, au sud-ouest de la Colombie, le chef de l'Etat a affirmé que "certaines personnes du groupe terroriste [des FARC] ont appelé pour dire au gouvernement qu'elles sont disposées à déserter et à libérer les séquestrés, Ingrid Betancourt en tête", mais en demandant si le gouvernement leur garantissait leur propre liberté.

"Je veux leur faire parvenir ce message : le gouvernement fait deux offres. L'offre d'un fonds de récompense, jusqu'à 100 millions de dollars, pour récompenser ceux du groupe terroriste des FARC qui se démobiliseraient, abandonnant le groupe et libérant les séquestrés" a poursuivi le président Alvaro Uribe.
Il a ajouté: "La seconde offre est que nous chercherons un mécanisme de liberté conditionnelle. Lorsque ces personnes viendront à la rencontre de nos soldats, de nos policiers ou de ceux qu'ils définiront, nous permettant de recevoir les séquestrés, le gouvernement national fera les démarches pour que ces personnes qui abandonnent les FARC soient embarquées immédiatement vers un pays comme la France pour garantir leur liberté conditionnelle."
Le président Uribe offre donc argent, beaucoup d'argent, et exil doré en France aux déserteurs des FARC qui livreraient leurs otages, dont Ingrid Betancourt. Le Premier ministre français, François Fillon, avait déjà assuré en avril dernier que les guérilleros répondant aux offres du gouvernement de Bogota jouiraient en France du statut de réfugiés politiques.

Manuel Marulanda serait mort des suites d'un bombardement ou d'une crise cardiaque
Quant à l'annonce par le ministre Juan Manuel Santos de la mort présumée, à 78 ans, du chef suprême des FARC, Manuel Marulanda, alias "Tirofijo" ("Tir précis"), elle a surpris la journaliste colombienne Maria Isabel Rueda, stupéfiée à ce moment précis de son interview du ministre, publiée samedi par l'hebdomadaire Semana:

-[Maria Isabel Rueda] Et Tirofijo, où en est-il?
[Ministre de la Défense] Il doit être en enfer.
-Dans quel enfer?
Celui où vont tous les criminels morts.
-Tirofijo va partir vers...
L'information que nous avons est qu'il est déjà parti.
-Comment? Tirofijo est mort, comme ça?
Nous le tenons d'une source qui n'a jamais commis d'erreur.
-Tirofijo est mort?
C'est la dernière information que nous avons et que nous sommes en train de corroborer.
-Je peux titrer cette interview "Tirofijo est mort"?
C'est à vos risques.
-Et quand est-il mort?
Le service de renseignement nous dit que ce fut le 26 mars de cette année.
-Comment est-il mort?
Nous ne le savons pas. Ces jours-là, on effectua trois bombardements puissants là où on pensait que se trouvait Tirofijo. La guérilla parle d'arrêt cardiaque. Nous n'avons de preuve ni de l'une ni de l'autre version.
-Et quelle autre information avez-vous sur sa mort?
Pour l'instant, je n'ai que ces données-là.
-Et qui va le remplacer [à la tête des FARC]?
Tout nous dit que ce sera Alfonso Cano.

La mort de Manuel Marulanda, alias Tirofijo, a déjà été annoncée à plusieurs reprises ces dernières années. Elle a chaque fois été démentie ou pour le moins n'a jamais été confirmée. Mais il est peu banal que l'annonce un ministre en fonction. Les médias colombiens ont souvent relevé que le chef des FARC souffrait depuis longtemps d'un cancer de la prostate.
La confirmation du décès de Manuel Marulanda serait contre les FARC une puissante charge psychologique destructive, surtout si la mort était due, comme le suggère le ministre de la Défense, à des bombardements. Depuis le 1er mars, les FARC auraient perdu, en comptant Marulanda, trois des sept membres, dont le plus symbolique, de leur commandement suprême collectif appelé secrétariat..

Courriel : ingrid41@free.fr

Comité Ingrid Betancourt 41
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