30 Août 2008  | Luis
Arturo Arcia, 10 ans, 5 mois et 27 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) En mars, pour la première fois, un message a été adressé
au sergent sur les ondes. Depuis sa capture, Arcia écoutait fiévreusement les
émissions de radio sur un petit poste à piles, dans l’espoir d’entendre quelques
mots de réconfort d’un proche. Mais sa mère biologique, qui l’a confié à une famille
à l’âge de 8 ans pour lui éviter une vie misérable dans les rues, est frappée
de troubles mentaux ; sa mère adoptive est sourde et malade ; et ses frères et
sœurs, plus âgés, semblent l’avoir oublié. «Ce serait tellement bien de recevoir
un message», répétait-il à sa voisine et amie de captivité, Consuelo Gonzalez.
Relâchée en février, celle-ci se charge de lui envoyer quelques mots chaque semaine.
Le petit sous-officier à la voix forte, auteur d’une tentative d’évasion ratée
- il était retombé sur le campement après trois jours de cavale - a appris la
mort de trois de ses frères adoptifs. Il sait aussi que ses anciens compagnons
libérés le considèrent comme un «petit frère» qu’ils ne «peuvent pas oublier». |
29 Août 2008  | Carlos
José Duarte, 9 ans, 1 mois et 19 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) La famille de ce sous-officier captif fuit les journalistes.
Lassés par des années d’annonces de négociations sans lendemain, son épouse et
ses deux enfants évitent d’écouter les informations. La libération de 21 otages
depuis janvier, qui a occupé les directs des télévisions colombiennes, ne les
concernait pas ; et les rares preuves de vie données par les ravisseurs des Farc
ne leur ont pas été destinées depuis plus de cinq ans. Seuls les témoignages de
libérés et les lettres d’autres otages ont permis à son épouse, institutrice,
d’en apprendre un peu sur les premières années de captivité. Comme le jour de
leur première rencontre, lors du bal d’un village de garnison, Carlos José aurait
continué à chanter et à danser. D’après ses ex-compagnons, il entonnait dans les
campements de barbelés les airs des vastes plaines de l’est colombien où il a
grandi et a même tenté d’enseigner aux autres prisonniers quelques pas d’une danse
typique. Mais aujourd’hui, après neuf ans de faux espoirs, sa femme craint que
son moral finisse par craquer. |
28 Août 2008  | José
Libardo Forero, 9 ans, 1 mois et 18 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Le mois dernier, Norma Trujillo est revenue pour la
première fois dans la petite ville colombienne de Puerto Rico. Effondrée, elle
a revu les rues où son mari, le sergent Forero, a subi en 1999 plusieurs assauts
de la guérilla avant d’être capturé. «J’en suis tombée malade, raconte-t-elle,
ça me rappelait trop de souvenirs.» La dernière fois qu’elle s’était rendue dans
cette bourgade, c’était trois jours avant l’attaque. Il lui avait fallu endurer
une journée de route sur des chemins cahoteux, pour fêter avec son époux les 8
ans de leur fils. La situation était déjà tendue, lui avait expliqué le sous-officier
: les policiers ne s’éloignaient jamais seuls du commissariat, situé à l’entrée
du village, et les rumeurs d’une attaque des Farc revenaient avec insistance dans
les conversations. Sur le chemin du retour, Norma, la peur au ventre, avait même
été contrôlée par les guérilleros à un barrage. Depuis, elle n’a plus fêté d’anniversaire
avec son mari. Elle doit se contenter de donner des nouvelles en envoyant des
messages à des émissions de radio. Leur aîné a maintenant passé le bac, et sa
petite sœur lui demande à quoi ressemblait leur père. |
27 Août 2008  | Sanmiguel
Salin, 3 mois et 4 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Le guérillero qui a appelé l’épouse de Sanmiguel, deux
semaines après la capture, ne décolérait pas : «Pourquoi est-ce que ces fils de
p… de militaires ne reconnaissent pas que c’est nous qui l’avons ?» Le caporal
avait été pris par les Farc lors d’un assaut meurtrier contre sa patrouille, dans
un des rares coups durs portés par la guérilla ces derniers mois. Des paysans
ont ensuite confirmé qu’ils avaient vu les rebelles partir avec le sous-officier
«pieds nus, ensanglanté et mains liées». Mais les autorités, qui accumulent les
victoires contre la guérilla, rechignent à reconnaître sa capture. La semaine
dernière, les guérilleros ont confirmé que son sort, comme celui de 29 otages
dit «échangeables», dépendait de l’ouverture de négociations. Sa mère, son épouse
restée avec un bébé de 5 mois et une sœur cadette qui avait l’habitude de l’appeler
pour faire ses devoirs ont découvert la sinistre routine des familles d’otages. |
26 Août 2008  | Oscar
Tulio Lizcano, 8 ans et 21 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Le tribun et ex-parlementaire de 62 ans «est en train
de perdre la parole», s’inquiète son épouse. Sur le dernier message transmis par
la guérilla, le verbe du plus vieil otage politique des Farc avait perdu de sa
fluidité. Contrairement à la plupart de ses compagnons d’infortune, retenus en
groupe dans le sud du pays, Lizcano aurait toujours été détenu seul dans les «
centaines de campements» où ses gardiens l’ont fait passer. « Sa seule compagnie,
c’est la radio et quelques livres. Il n’a personne avec qui discuter», raconte
sa femme. C’était pour prononcer un énième discours, pour l’inauguration d’un
terrain de foot, que Lizcano s’était aventuré dans un hameau de son département,
le Caldas, un matin d’août 2000. Les Farc l’attendaient : il fut leur premier
parlementaire séquestré et réduit au silence. Depuis, son fils l’a relayé face
aux micros. Et il a repris son siège d’élu, sous la bannière de la coalition gouvernementale,
laquelle est opposée aux exigences de la guérilla de négocier un « échange humanitaire
» de prisonniers. Dans « les jungles humides», son père, malgré son élocution
plus lente, l’appelle à la modération : il ne veut pas revenir sous la forme «d’os
froids et jaunissants». |
25 Août 2008  | Luis
Alberto Erazo, 8 ans, 8 mois et 16 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) De lui, sa sœur Cielo conserve une rose, taillée dans
un noyau de mangue. C’est le dernier objet que la guérilla lui a permis de transmettre,
il y a cinq ans. Depuis, sa famille n’a reçu que des messages enregistrés, où
le sergent insiste pour que «la France et les autres pays» interviennent. Ses
parents paysans, ses huit frères et sœurs ne trouvent plus la force ni les moyens
de lui faire parvenir des nouvelles. Certaines familles d’otages donnent des interviews
aux médias colombiens en espérant que leurs proches les entendent sur un transistor,
au fond de la jungle. «Mais quel journaliste va venir jusqu’ici ?» demande Cielo.
Leur petite ville de Túquerres, perdue dans les montagnes du sud-ouest colombien,
est à vingt heures de route de la capitale, Bogotá. Cielo avait pris l’habitude
d’aller à Cali, à huit heures de là, pour envoyer des messages. Mais après un
attentat attribué aux Farc, le gardien de l’immeuble ne l’a plus laissée entrer. |
23 Août 2008  | Jorge
Humberto Romero 9 ans, 1 mois et 13 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Des cinq enfants, c’était le seul à avoir trouvé un
boulot stable. Grâce au salaire qu’il recevait dans une droguerie de Pasto, la
froide ville de montagne où il a grandi, Jorge Humberto réussissait à faire vivre
ses parents et à aider la fratrie. Mais le petit commerce a fait faillite, et
le jeune homme a fini par s’engager dans la police. Devenu flic, il ne revenait
plus que de temps en temps, lors des permissions, pour célébrer les fêtes de fin
d’année ou les anniversaires. Au début, il racontait des anecdotes de Bogotá,
la capitale, où il commençait sa carrière. Ce calme a cessé à la première mutation.
L’intendant Romero s’est retrouvé nommé au commissariat de Puerto Rico, au bout
d’une route en cul-de-sac, dans la jungle, loin de ses Andes natales. C’est là
que la guérilla l’a capturé, le 10 juin 1999, en prenant le village d’assaut.
Depuis, les Farc n’ont envoyé que quelques preuves de vie, la dernière il y a
plus de quatre ans. «Il avait l’air encore très fort, raconte son cadet, Oscar.
Mais c’était il y a si longtemps…» Aujourd’hui, le frère ne sait plus quoi répondre
aux voisins qui demandent des nouvelles de Jorge. |
22 Août 2008  | Juan
Fernando Galicia, 1 an, 2 mois et 13 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Quelques mois avant sa capture, son père lui avait dit
: «Nous devrions tous mettre un peu d’argent de côté pour pouvoir t’aider, au
cas où il t’arrivait une tuile.» Le policier de l’unité antikidnapping l’avait
gentiment rabroué : son métier ne lui faisait pas peur. Six mois plus tard, il
appelait ses parents depuis un portable des Farc : «Je suis enlevé, ils m’ont
pris à un barrage.». |
21 Août 2008  | Jorge
Trujillo, 9 ans, 1 mois et 11 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Quatre ans avant son incorporation, son frère aîné,
soldat en permission, avait été abattu par la guérilla alors qu’il prenait un
soda sur la place du village. Pourtant, personne n’a tenté de le dissuader de
s’engager à son tour. Pas même sa mère : «C’était le moyen d’avoir un travail
payé à peu près correctement…»Il choisit la police. Survivant de l’attaque de
sa garnison de Puerto Rico par les Farc, en juin 1999, Trujillo allait grossir
la liste des prisonniers d’une guérilla alors au faîte de sa puissance. Depuis,
sa mère et sa sœur, sans preuves de vie depuis six ans, font le tour des otages
libérés pour glaner des informations. Enchaîné, il parlerait inlassablement des
deux femmes merveilleuses de sa vie : sa sœur et sa femme. Mais cette dernière
«a trouvé un autre amour». |
20 Août 2008  | Walter
José Lozano 1 an, 2 mois et 11 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Si l’on en croit les rumeurs, il a déjà été tué deux
ou trois fois en captivité. Depuis l’enlèvement du policier, à un barrage de la
guérilla colombienne, sa famille vit ballottée au gré des racontars. Pendant longtemps,
sa mère, Inírida Guarnizo, s’est raccrochée au moindre coup de fil. Un jour, c’est
un inconnu qui lui demande, au nom de la guérilla, l’équivalent de 4 500 euros
de rançon pour libérer son fils. L’appel venait en fait de la prison toute proche,
donné par un délinquant alléché par les recherches désespérées de la famille.
Plus tard, l’armée découvre les papiers de l’agent dans un campement, après un
combat meurtrier avec les Farc. Des officiers parlent de trois guérilleros abattus,
d’autres de six cadavres : le policier, enlevé avec deux collègues, a-t-il été
tué en même temps que ses ravisseurs ? La famille frappe à toutes les portes de
la hiérarchie militaire pour voir les corps, en vain. Il a fallu que les Farc
fassent parvenir une vidéo de preuves de vie au président vénézuélien, Hugo Chávez,
en mars, pour qu’Inírida voie enfin son fils lui adresser un bref salut à travers
l’écran : «Mais depuis, plus personne ne parle de lui.». |
19 Août 2008  | Alan
Jara, 7 ans, 1 mois et 4 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) L’ancien gouverneur, politicien aguerri au verbe facile,
est devenu dans les campements «le prof». Profitant de ses connaissances d’anglais
et de ses réminiscences de russe, du temps où il étudiait à Kiev, le fils de bonne
famille donne des cours à ses compagnons de captivité, pour la plupart des militaires
et policiers. Une des premières phrases qu’il leur apprend : «About the humanitarian
there is no news» ; rien de neuf à la radio sur «l’accord humanitaire», l’échange
de prisonniers que ni le gouvernement ni les Farc ne sont décidés à conclure.
Malgré les circonstances, Jara serait longtemps resté enjoué. Il parie la vaisselle
sur les résultats du championnat local, et trouve la force de recommander une
liste des livres «bien épais» à son fils, de Camus à Savater, en attendant sa
libération. Mais sur les dernières vidéos parvenues à sa famille, le prof montre
avec insistance une excroissance sur son cou, où les chaînes lui pèsent. |
18 Août 2008  | Luis
Alfonso Beltrán, 10 ans, 5 mois et 15 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Depuis bientôt six ans, dans sa petite maison perchée
sur les collines des quartiers pauvres de Bogotá, à Sierra Morena, la mère de
Luis Alfonso Beltrán regarde les mêmes lettres, usées par le temps, que la guérilla
lui a fait parvenir. Peu disert, mortifié de faire souffrir ses proches, son fils
lui envoyait alors quelques nouvelles, des dessins. Capturé avec un bataillon
presque complet, il regrettait encore le rendez-vous manqué avec sa sœur. Elle
était rentrée d’Italie, où elle vit en soignant des retraités dans un hospice,
la veille de l’attaque des Farc. Sa mère, ancienne institutrice, a davantage appris
en interrogeant les anciens compagnons de captivité du sous-officier, libérés
ou évadés depuis. Comme tant de ses compagnons, il vit plongé dans la lecture
de la Bible et traque le moindre matériau pour confectionner des bracelets, des
habits. Quand naît en captivité un petit Emmanuel, fils de l’otage Clara Rojas,
il s’ingénie à récupérer des résidus de mousse à matelas et des bouts de plastique
pour lui façonner son premier jouet : un petit chat. Plus tard, il aurait tissé
des gants pour Ingrid Betancourt. La mère de Luis Alfonso Beltrán attend le retour
à Bogotá de la Franco-colombienne : «Pour qu’elle me parle de lui.» |
16 Août 2008 | Alexis
Torres Zapata, 1 an, 2 mois et 7 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Ses cinq frères et sœurs aînés avaient tenté de le faire
renoncer aux armes. Mais le jeune homme, bien élevé, choyé toute son enfance par
une mère et des sœurs-poules, était «tombé amoureux» de la police. Ce garçon timide
avait, sous l’uniforme, «l’impression de rendre service aux gens». «Nous lui répétions
que c’était trop dangereux», se rappelle sa sœur Rosalba. Il avait choisi l’un
des corps les plus exposés : le Gaula, l’unité anti-kidnappings, et partait pendant
des mois dans des garnisons au climat moite. En juin 2007, les Farc l’ont pris
avec deux collègues, à un barrage d’une route du sud du pays. Sa famille, depuis,
ne rate plus une information sur le sujet. «Nous avions toujours peur que mon
frère reçoive une balle pendant une opération de libération, dit Rosalba, mais
nous n’imaginions pas qu’il se ferait capturer.»
|
15 Août 2008  | William
Donato, 10 ans et 12 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Pour le jour de sa libération, en 2002, la famille de
cet officier avait fait imprimer une vingtaine de tee-shirts à son effigie. La
police avait fait venir les proches à Bogotá pour leur confirmer la bonne nouvelle.
«Ils étaient prêts à sortir de la jungle, nous ont-ils dit», a raconté le père
du capitaine. Mais les Farc ont détourné un avion de ligne pour enlever un sénateur,
le pouvoir a rompu les négociations tortueuses qui se tenaient depuis trois ans,
et tout espoir est retombé. Depuis, le grand William Donato, de loin le plus costaud
de son groupe d’otages, se sent comme un «chiffon». «Ils nous ont transformés
en une guenille que les différents acteurs essaient de tirer à eux», explique-t-il
dans sa dernière lettre, au début de l’année. D’un côté du haillon, la guérilla
exige le retrait des troupes d’une zone de 780 km2 pour y négocier un échange
de prisonniers ; de l’autre, le gouvernement recherche depuis six ans une sortie
militaire, comme l’opération d’infiltration qui a permis, le mois dernier, la
libération de 15 otages. Isolé dans une autre région, Donato, qui se sent «plus
mort que les morts», n’en était pas. Il tromperait aujourd’hui le désespoir en
jouant aux échecs avec un d’autres officiers. Ses parents espèrent toujours pouvoir
ressortir les tee-shirts. |
14 Août 2008  | Cesar
Augusto Lasso, 9 ans, 9 mois et 13 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Au milieu de l’attaque, le sergent a levé la tête, malgré
l’obscurité, pour tenter de découvrir d’où venaient les tirs qu’il essuyait. Cela
faisait plusieurs heures que la guérilla pilonnait le commissariat et les bâtiments
alentours, ce 1er novembre 1998. Au petit matin, Lasso et une cinquantaine de
ses compagnons furent capturés. Bon vivant, ce natif de Cali, dans l’ouest
de la Colombie, s’était fait remarquer dans la petite ville amazonienne comme
un camarade de jeux à la bonne humeur inébranlable. Une habitante, Ninfa,
avait été séduite par le «Gordo», le «bon gros» dont elle allait apprendre qu’elle
était enceinte quelques semaines après l’attaque. La captivité n’aurait pas
entamé Lasso. Barbe et cheveux longs, il remonte le moral de ses compagnons de
captivité, «ne refuse jamais rien à personne», selon un policier évadé depuis.
Ses proches espèrent seulement que l’armée n’ira pas tenter une sortie militaire
sanglante. |
13 Août 2008
 | Wilson
Rojas, 9 ans, 1 mois et 1 jour de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) De la jungle, le caporal veut que ses proches «dansent
et s’amusent à Noël». C’est du moins ce qu’il demandait, il y a cinq ans, dans
la dernière lettre parvenue à ses parents. Les fêtes de fin d’année ont toujours
été sacrées dans sa famille de 9 frères et sœurs, et le sous-officier n’avait
jamais manqué aux réveillons dans la petite maison paysanne, à l’écart du village
andin de Saldaña. Engagé par amour de l’uniforme - comme avant lui son père et
un frère aîné -, il se débrouillait toujours pour revenir, chargé de victuailles
et avec un peu d’argent, pour célébrer avec eux la période la plus festive de
l’année en Colombie. Après quatre ans de captivité, il insistait sur la dernière
vidéo pour que ses proches « ne souffrent pas pour [lui]» : «C’est moi qui suis
captif», rappelle-t-il. Il demande au président Alvaro Uribe de démontrer le «grand
cœur» qui lui a servi de slogan de campagne pour enfin négocier et accuse la guérilla
le laisser «prendre racine» dans la jungle, mais ne veut pas que sa famille s’inquiète.
|
12 Août 2008  | Alvaro
Moreno, 9 ans, 8 mois et 3 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Le lendemain de la prise de la base de Curillo, Mery
Moreno, opérée des yeux la veille, avait été tenue éloignée de la télévision par
ses filles sous prétexte de convalescence. «J’ai fini par leur échapper vers 10
heures du soir.» C’est là qu’elle a appris l’attaque par les Farc de la garnison
de son fils, Alvaro, celui qui l’appelait tous les soirs. C’est chez elle qu’il
venait en permission. C’est lui qui demandait de ses nouvelles, et pas l’autre
fils, son jumeau, parti sans laisser d’adresse. Depuis ce soir-là elle n’a presque
rien su de plus. Sur les vidéos, «il ne me parle presque pas». Le policier salue
rapidement la famille, sa mère, sa fille Kelly et son fils Kevin, puis adresse
un long charabia au gouvernement colombien. «C’est l’ordre de la guérilla»,
suppose la jeune grand-mère. Six otages sont relâchés au début de l’année, d’autres
libérés en juillet. «Aucun ne connaissait mon fils.». |
11 Août 2008  | Luis
Alfredo Moreno, 10 ans et 8 jours de captivité.
MICHEL
TAILLE (à Bogotá) María Concepción en sait de moins en moins sur son fils.
Depuis plus de quatre ans, la guérilla n’a transmis aucune preuve de vie du sergent.
Sur les dernières, «c’est lui qui essayait de nous encourager, raconte-t-elle.
Il nous rassurait sur sa santé». Aujourd’hui, cette femme décidée et austère tente
d’imaginer comment il va. Quelques anciens otages, qui avaient partagé sa captivité
il y a plusieurs années, ont juste pu lui confirmer ce qu’elle savait déjà : que
son fils a «des mains exceptionnelles», avec lesquelles il dessine et écrit dès
qu’il trouve une feuille de papier. Sur les quelques lettres filtrées par
les Farc, elle avait ainsi pu découvrir la jungle, représentée d’un trait agile
par le sous-officier : des palmiers, une végétation foisonnante, coloriée au bord
de rivières à lacets… Dans un pays très catholique, ce montagnard représente aussi
la Vierge d’un sanctuaire de sa région, Las Lajas. Sa mère ne sait plus à quel
saint se vouer pour avoir des nouvelles. Pour assister à la cérémonie des dix
ans de captivité de son fils et de trois compagnons, la semaine dernière, elle
a supporté les dix-huit heures de bus qui la séparait de la capitale, Bogotá.
Aujourd’hui, elle attend un geste de la guérilla, un assouplissement du pouvoir…
«Nous, nous avons épuisé nos larmes.». |
09 Août 2008  | Giovanni
Domínguez, 1 an, 6 mois et 20 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Sa fiancée, Yaneth, l’avait convaincu de renoncer aux
armes. Le soldat professionnel Domínguez allait démissionner et se marier, pour
«ne plus la laisser toute seule». Il ne lui restait plus qu’à bien se protéger
lors des dernières missions dans le Caquetá, loin au sud de Bogotá, dans un bastion
de la guérilla des Farc. Mais le soir du 20 janvier 2007, un capitaine a appelé
la famille. «Personne ne savait ce qu’il était devenu», raconte sa mère, Ana Elvia
Castro. Elle a ramassé les économies de son bar et est partie chercher la trace
de son fils. Il faudra attendre cinq mois pour que les Farc fassent parvenir une
vidéo du soldat de 22 ans, encore fringant au milieu de six collègues captifs
depuis plus de huit ans. Yaneth, la fiancée, attend toujours. |
08 Août 2008  | Pablo
Emilio Moncayo, 10 ans, 7 mois et 18 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Un dimanche de juin 2007, Gustavo Moncayo est parti
à pied depuis son village des Andes sensibiliser l’opinion au sort de son fils,
caporal capturé par les Farc lors de l’assaut d’une base isolée à 4 000 mètres
d’altitude. Chemin faisant, la population et les médias se sont intéressés à sa
croisade, et c’est accompagné de milliers de manifestants qu’il est parvenu à
Bogotà, six semaines plus tard. En cours de route, il avait reçu une première
preuve de vie : une vidéo montrant Pablo Emilio, vieilli mais souriant, lisant
des poèmes à sa famille et montrant ses dessins - de petits lapins colorés. Depuis,
son père, promu «marcheur de la paix», a rencontré le président colombien et le
pape Benoît XVI. Le souffle médiatique est retombé, mais le professeur négocie
des congés pour parcourir les routes, une photo du caporal imprimée sur le ventre. |
07 Août 2008  | Robinson
Salcedo, 10 ans et 4 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Il aurait aimé avoir «au moins un procès». En 2002,
le sergent de police a profité du passage par son campement de prisonniers d’un
des plus hauts chefs des Farc, Jorge Briceño, pour affronter ses geôliers. «Les
guérilleros qui se font prendre pour rébellion passent deux ans en prison et on
les relâche, a-t-il lancé au commandant, alors l’un des plus puissants de la guérilla.
Moi, ça fait des années que je suis là et je ne sais toujours pas quand je pourrai
sortir !» Il voulait une condamnation ferme, des baisses de peine pour bonne conduite
: «Rendez un jugement !» a-t-il exigé. Lors de la scène - racontée depuis par
l’un des rares otages évadés, John Pinchao -, la famille de Salcedo avait déjà
vécu quatre Noëls sans joie. Sa mère adoptive, Trinidad Orjuela, avait cessé de
célébrer la fête la plus importante des Colombiens, en souvenir du fils qui «allumait
toujours les feux d’artifice», celui qui «s’installait toujours à table en premier».
Depuis, rien n’a changé. Les fêtes de fin d’année se succèdent sans nouveauté
dans la famille tronquée. «Nous n’écoutons même plus les informations», a déclaré
la mère aux journalistes. Dans la jungle, Robinson, qui a délaissé la stricte
discipline des casernes au point de se faire surnommer «le chevelu», attend toujours
une réponse à sa requête. |
06 Août 2008  | Enrique
Murillo, 9 ans, 9 mois et 5 jours de captivité. MICHEL
TAILLE (à Bogotá) La veille de sa capture, le capitaine jouait aux sorcières
dans une petite ville perdue au milieu de la jungle. Le grand gaillard à «l’esprit
d’enfant» avait coordonné les activités de la police pour une journée d’Halloween
transplantée dans le bassin amazonien, à Mitú. C’était sa distraction favorite,
raconte sa mère : de garnison en garnison, Enrique dégotait des décorations de
Noël pour son commissariat, cherchait des animations à chaque fête. A Mitú, bourgade
où il était revenu occuper son poste plus tôt que prévu à cause d’une formation
d’officiers annulée à Bogotá, il s’était porté volontaire. Tout avait bien fonctionné
: un policier déguisé en clown pour les enfants, une citrouille géante tirée sur
une carriole. Ce soir-là, dans un coup de fil à sa mère, l’officier ne mentionne
pas les rumeurs récurrentes d’attaque des Farc. Mais quelques heures plus tard,
des centaines de guérilleros jetaient la cinquantaine d’agents au bas du lit,
au son des grenades et de leurs bombes artisanales. Robertina Sánchez, la mère
du capitaine, fervent catholique, apprendra l’assaut le lendemain, au retour de
la messe de 7 heures du matin. «L’angoisse a commencé à ce moment-là», se souvient-elle.
Elle n’a pas cessé, neuf Halloween plus tard. |
05 Août 2008  | Arbey
Delgado, 10 ans et 2 jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Jour et nuit, la chaîne lui pèse. Attaché à un arbre
pour dormir, entravé le reste du temps, le sergent ne supporte plus le poids des
maillons sur son cou. «Je n’arrive presque pas à dormir, écrit-il à sa femme dans
sa dernière lettre, parvenue en janvier dernier. Je suis las, fatigué.» Le militaire
qui, quelques semaines avant sa capture, chatouillait son troisième bébé de sa
moustache et jouait à lui mordiller les joues, que ses parents évoquent, bonhomme,
en train de jouer au football, a le moral brisé par la sinistre monotonie de la
captivité. Engagé sous l’uniforme pour «gagner de quoi avoir sa maison et une
vie digne», selon les déclarations de sa mère, Delgado, qui adolescent aidait
son père dans une carrière de sable, n’avait pas de passion particulière pour
les armes. Enfant, il avait même abandonné une partie de chasse, effrayé par les
cris de gros oiseaux. Lors de ses courriers précédents, il y a sept ans, il avait
mêlé des fleurs séchées, choisies dans «l’immense jungle», à un flot de nouvelles
écrites sur tout ce qu’il avait pu trouver : serviettes jetables, papier toilette…
Cette fois-ci, le courrier à son épouse est empreint de pessimisme. «Ici, tout
n’est que tristesse et désespoir.» Il lui reste une volonté : sortir à temps pour
célébrer les 15 ans de sa fille - elle en a 12 aujourd’hui - en grande pompe,
sans chaînes au cou. |
04 Août 2008  | Luis
Hernando Peña, 9 ans 9 mois et 3 jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Au soir de la libération des 15 otages, dont Ingrid
Betancourt, le 2 juillet, les parents du sous-officier captif regardaient la télévision,
avides de nouvelles de leur fils. Un des libérés a fini par en donner, en direct,
au bord des larmes : «Ils ont tué "Peñita" il y a plus de cinq ans. Ils disaient
que c’était un danger parce qu’il avait des problèmes psychologiques.» La famille
n’avait reçu aucune nouvelle depuis sept ans. Fin 2001, au moment d’envoyer une
lettre à sa famille, les Farc lui interdisent d’écrire plus d’une page ; de rage,
il déchire tout. Plus tard, il est écarté du groupe. «Ils disent qu’ils l’ont
emmené pour lui faire subir un traitement, mais nous ne l’avons pas revu», écrit
le colonel Mendieta. Peña aurait été fusillé les chaînes au cou, au bord d’une
fosse. Interrogée par la radio colombienne, sa mère voulait encore espérer. «C’est
un guérillero qui a raconté tout ça au libéré, lui ne l’a pas vu.».
|
02 Août 2008  | Sigifredo
Lopez, 6 ans, 3 mois et 22 jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Une énième vexation de ses ravisseurs lui a sans doute
sauvé la vie. Comme ses compagnons de détention, Sigifredo Lopez aurait dû mourir
criblé de balles, le 18 juin 2007. Mais il avait été mis dans un campement à l’écart
peu auparavant, sans doute puni pour avoir enfreint une des multiples règles des
Farc. Cela faisait cinq ans que cet élu local du Valle del Cauca (Sud-Ouest de
la Colombie) partageait la captivité de 11 collègues de la région de Cali. Lors
de leur enlèvement, ils avaient été abusés par une mise en scène de cinéma : les
guérilleros avaient fait irruption dans leur assemblée en se faisant passer pour
des militaires, et ordonné l’évacuation pour une alerte à la bombe. Ancien athlète,
Lopez n’avait pas opposé plus de résistance que ses voisins. L’avocat a sans doute
tenté de convaincre les ravisseurs de négocier : après tout, il avait été maire
de Florida, commune dont la guérilla demande la démilitarisation pour y entamer
des discussions. Mais ses derniers espoirs se sont probablement éteints le 18
juin 2007, lorsque les guérilleros, croyant à une attaque de l’armée, ont abattu
ses onze compagnons. Ils avaient préféré tuer leurs proies plutôt que de prendre
le risque de les laisser retrouver la liberté.
|
01 Août 2008  | Luis
Mendieta, 9 ans et 9 mois de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) A 51 ans, depuis la litière de fortune où il était enchaîné,
le plus haut gradé détenu par les Farc a réussi à sortir la Colombie de sa torpeur.
Le 19 décembre, quand ses ravisseurs lui ont donné des feuilles pour écrire enfin
à ses proches, après des années de silence, le colonel a jeté sur le papier toutes
ses souffrances. Lui, dont la bonne humeur semblait inébranlable, qui élevait
des perruches en début de captivité, raconte en vrac les crises de paludisme et
ses plaies de leishmaniose, les querelles entre prisonniers, les longues marches
pour échapper à l’armée, ses douleurs au thorax… Au pire moment, les jambes au
bord de la nécrose, Mendieta doit ramper «dans la boue pour aller aux toilettes»
; à peine convalescent, il est enchaîné. Ses lettres, lues par sa fille d’une
voix étranglée à la radio, ont sensibilisé l’opinion après des années d’indifférence
: jusque-là, l’important était de gagner la guerre contre les Farc, peu importait
le sort des otages. «Le pire, ce ne sont pas les chaînes que nous portons au cou,
ni les maladies, commente l’officier, […] c’est l’agonie mentale, la colère que
produit la perversité des méchants et l’indifférence des bons.» Depuis, deux manifestations
contre les enlèvements ont rassemblé des millions de Colombiens.
|
31 juillet 2008  | Libio
Martinez, 10 ans, 7 mois et 10 jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) C’est l’un des deux plus anciens et peut-être le plus
méconnu des otages de la guérilla. Le caporal Martinez a été capturé par les Farc
après l’attaque de Patascoy, une base de communication militaire perchée sur les
hauteurs brumeuses des Andes, non loin de la frontière équatorienne. Ses parents,
deux paysans de la région, n’ont rien pu trouver dans les ruines fumantes. Peu
loquaces, plus habitués aux travaux des champs qu’aux micros des télévisions,
ils supportent l’attente loin des médias, dans une petite ferme du village d’Ospina,
sur l’altiplano andin. Le 2 juillet, c’est plusieurs heures après la nouvelle
qu’ils ont appris la libération des 15 otages, dont Ingrid Betancourt, sur leur
petite télé en noir et blanc. Leur fils ne se trouvait pas parmi les hommes qui
descendaient de l’avion, joviaux. Les embrassades n’étaient pas pour eux. Le samedi
suivant, comme toutes les semaines, tard dans la nuit, les parents ont enfilé
leurs ponchos de laine et ont quitté leur maison inachevée pour gagner le centre
du village, à 5 km de là. Le but : trouver un téléphone pour envoyer des messages
via l’émission de radio les Voix de l’enlèvement. En retour, ils ont reçu de rares
vidéos de leur fils. «Il nous dit qu’il va bien, mais on voit qu’il est usé.».
|
30 juillet 2008  | Guillermo
Javier Solórzano, 1 an, 1 mois et 26 jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Le commandant de Florida aurait dû se faire moins d’amis.
Avant son enlèvement dans cette région montagneuse du sud-ouest de la Colombie,
l’officier, spécialisé dans la police de proximité, s’était gagné l’estime de
la population. Des plus pauvres d’abord, grâce aux médecins et aux clowns qu’il
amenait dans les quartiers déshérités. Mais aussi des notables, comme le commerçant
Humberto Loaiza, qui l’a invité, ce soir de juin 2007, dans un restaurant en zone
rurale. Tout déplacement hors de la ville est risqué. Les Farc font des descentes
depuis la cordillère toute proche, dans une zone qu’elles jugent stratégique :
elles exigent depuis des années le retrait des troupes de Florida et de la commune
voisine de Pradera pour y négocier l’échange des otages contre leurs prisonniers.
Solórzano aurait pu décliner l’invitation, sans l’insistance de sa fille de 7
ans, attirée par la promesse d’une piscine. «Ne te sens pas coupable», lui a-t-il
dit depuis, dans une preuve de vie. Les invités étaient en maillot de bain quand
des hommes armés ont sauté les clôtures. Ils venaient chercher le commerçant pour
en tirer une rançon, et ont profité de l’aubaine pour embarquer le policier. Loaiza
a été libéré six mois plus tard. Solórzano, lui, lit et relit la Bible dans un
recoin de cordillère. |
29 juillet 2008  | Edgar
Duarte, 9 ans, 9 mois et 15 jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Au cœur de la jungle, il dessine. Le capitaine captif
recrée sur le papier les traits de sa petite fille, qu’il a vue pour la dernière
fois en septembre 1998. Bibiana avait alors un peu plus de 2 ans, des cheveux
bouclés courts et un joli sourire que son père ne veut pas oublier. Deux semaines
plus tard, le policier était pris par la guérilla des Farc alors qu’il se déplaçait
en taxi sur une route du sud du pays. Il n’a eu de cesse, depuis, de dessiner
et d’écrire pour imaginer sa fille, dans une série de lettres et de cahiers que
les Farc ont fait parvenir au compte-gouttes à sa famille. A deux reprises, au
début de sa captivité, il a pu la voir au journal télévisé, sur la télé de ses
ravisseurs. Une autre fois, un vieil hebdomadaire parvenu à son campement lui
permet de découvrir une photo de l’enfant qui a grandi. Depuis, rien. A la radio,
dans les émissions consacrées aux proches des otages, Bibiana lui raconte sa vie
: ses cours de guitare ou de natation, ses dents de lait qui tombent… Il est devenu
pour elle un père de papier, qui apparaît de loin en loin sur des vidéos tremblantes.
Sur une de ces preuves de vie, reçue l’an dernier, Edgar Duarte brandit fièrement
un croquis de son enfant telle qu’il l’imagine : on y voit un bambin de 3 ou 4
ans. Elle avait alors 11 ans. |
28 juillet 2008  | Elkin
Hernández Rivas, neuf ans, neuf mois et quatorze jours de captivité MICHEL
TAILLE (à Bogotá) Bien malgré lui, ce lieutenant enlevé à un barrage en
1998, «au même endroit qu’Ingrid Betancourt», a jeté sa famille dans le
militantisme. Le policier discipliné, qui reprochait à sa sœur institutrice de
participer aux manifestations de «gauchistes», a provoqué depuis son enlèvement
la mobilisation de tous ses proches. Ils sont parmi les plus assidus, tous les
mardis matins, à crier devant le Parlement colombien, pour exiger un «accord
humanitaire» avec la guérilla. Depuis des années, son père lâche chaque semaine
son magasin de chaussures pour manifester. Sa sœur Margarita est devenue vice-présidente
d’Asfamipaz, l’association des parents de combattants otages des Farc. «Je
sens qu’il m’a confié une mission, explique-t-elle. Quand il sera libéré,
je continuerai à lutter, cette fois pour les disparus.»Sa mère, malade, a
délaissé le rassemblement hebdomadaire. Mais c’est elle qui, tous les matins,
envoie via une radio un message de réconfort au fils absent.
|